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une situation normale et permanente ? N’y a-t-il pas une contradiction manifeste entre le maintien du traitement ecclésiastique, annuellement voté par les chambres[1], et cette indépendance absolue, qui ne s’étend pas seulement aux doctrines où elle devrait être de droit commun, mais au choix même des personnes ? L’épiscopat et les chapitres belges se recruteront souverainement dans leurs propres rangs, à la manière de ces vieilles corporations municipales que la réforme vient de briser en Angleterre. Un gouvernement national s’exerçant, non pas dans un pays divisé de sectes et de croyances comme l’Amérique du Nord, mais au sein d’une population dont les dix-neuf vingtièmes sont ardemment catholiques, peut-il sans inconvénient pour la religion, sans quelque danger pour lui-même et pour la minorité dissidente, renoncer à tout contrôle sur le personnel du clergé et celui de l’instruction publique ? question immense que l’avenir du peuple belge décidera, et dont la solution ne sera pas sans influence sur nos propres destinées.

Nous étions, en 1830, du nombre de ceux qui réclamaient le plus vivement la séparation de l’état et de l’église ; nous la demandâmes d’abord à la restauration, pour arracher nos croyances à une protection aussi dangereuse pour elles-mêmes que pour le trône qui l’octroyait ; nous la réclamâmes, avec plus d’insistance encore, de la révolution de juillet ; car un parti qui fut alors bien près du triomphe, eût infligé au catholicisme, accablé sous une impopularité passagère, une de ces positions auxquelles on n’échappe que par la liberté.

Sans avoir jamais eu aucune solidarité avec un journal qui a profondément remué le sol de la Belgique, et dont le souvenir est vivant encore en ce pays, nous avions des doctrines religieuses communes, et quelques sympathies politiques analogues, quoique moins ardentes. Nous pouvons donc comprendre mieux que d’autres le mouvement d’idées qui a présidé à l’œuvre du 7 février 1831.

L’Avenir est fondé à réclamer une grande part dans ce travail. C’était merveille, en effet, de voir ce clergé et ces honnêtes catholiques belges, qui, quelques années auparavant, se signaient d’horreur à l’idée de la liberté des cultes et de la presse, et repoussaient la loi fondamentale de 1815, parce qu’elle contenait des dispositions trop libérales, réclamer avec véhémence toutes les conséquences du principe de liberté, auquel

  1. La subvention du culte catholique est fixée par le budget courant de 1836, pour le traitement de l’archevêque de Malines, des cinq évêques de Bruges, Gand, Liége, Namur et Tournay, celui des curés, desservans, vicaires, etc., les bourses affectées aux séminaires, le subside pour construction et entretien des églises, etc., à la somme de 3,392,900 francs.