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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/653

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LA BELGIQUE.

cruelle des épreuves ; et au milieu des désastres de son avènement, il ne désespéra pas de l’avenir. Son sens droit et la considération personnelle que lui accorde l’Europe contribueront à garantir cet avenir à sa patrie adoptive. Ce prince a bien compris ce pays de mœurs simples et jalouses, et au préjudice peut-être de ses inclinations personnelles, il a su appeler et maintenir aux affaires le parti qui y apporte, après tout, le plus de puissance morale et de popularité.

Il ne s’agit pas d’élever dans une contrée sans imagination et sans souvenirs monarchiques un trône entouré de pompes et de prestiges ; une telle tentative serait mortelle à la royauté en même temps qu’à la nationalité belge. Il s’agit moins encore de créer là de ces grandes existences politiques qui font aspirer à la vie parlementaire comme au premier degré d’une haute fortune et d’une illustre renommée. Des ministres à 24,000 francs de traitement, qui, après plusieurs années de fonctions remplies d’une manière plus consciencieuse qu’éclatante, auront pour perspective de descendre au rang modeste de gouverneur de leur ville natale ou de rentrer dans l’obscurité avec des témoignages de l’estime publique ; un sénat électif composé de gros propriétaires et d’industriels ; des représentans salariés pour faire temporairement les affaires publiques sans y voir un moyen de faire les leurs : ce sont là des chimères dans un pays constitué comme le nôtre, et des réalités dans les chambres de la Belgique et les diètes de la Suisse. Les grands états ont des conditions d’existence auxquelles on essaierait en vain de les contraindre à manquer. C’est dans leur sein, et par l’importance même des résultats qui sont à la fois son but et sa récompense, que l’esprit humain se développe ; si les sociétés d’un autre ordre gagnent souvent en bonheur et en moralité ce qu’elles perdent en éclat et en influence, c’est là une compensation que la sagesse devrait accepter sans doute, mais qui pourtant ne satisfait guère aux instincts des peuples modernes.

Les chambres ont dû hériter des attributions enlevées au roi. Elles en ont, en effet, d’importantes que notre Charte ne garantit pas, quoique l’usage les consacre pour la plupart. Tels sont, par exemple, le droit d’enquête avec toutes ses conséquences (40), la faculté d’exiger des ministres des explications sur toutes les pétitions (43) et sur l’état des relations diplomatiques (68).

Le droit de se réunir chaque année sans convocation préalable le deuxième mardi de novembre, la suppression des scrutins secrets, et l’obligation de voter à haute voix sur toutes les questions (39), l’indemnité mensuelle de 200 florins qui garantit l’indépendance des représentans (52), choisis sans aucune condition d’éligibilité, la grande fortune territoriale que suppose le cens d’éligibilité au sénat, l’impossibilité d’offrir une