— Pas le moins du monde. Dans un quart d’heure, si vous le voulez, nous serons à la porte de l’auberge.
— Chez Jean Terraz ?
— Et nous verrons le Mont-Blanc comme je vous vois.
— Dame ! ça se peut, dit Payot, je crois tout maintenant, j’en ai tant éprouvé de diverses.
— C’est décidé ?
— Ma foi, oui.
— Allons.
Nous remontâmes en fiacre. Le cocher s’arrêta à la porte du Diorama. Nous entrâmes.
— Où sommes-nous ? dit Payot.
— À la douane de la frontière, et je vais payer 2 fr. 50 pour chacun de nous. — Je lui remis sa carte d’entrée. — Voici votre feuille de route. — Nous fûmes bientôt dans une obscurité complète. — Vous reconnaissez-vous, Payot ?
— Non, ma foi.
— Nous sommes aux Échelles.
— À la grotte ?
— Vous voyez bien qu’il ne fait pas clair.
— Alors nous approchons, dit Payot.
— Oh ! mon Dieu, dans cinq minutes, et même plus tôt, tenez.
En effet, nous arrivions au moment même où la Forêt Noire disparaissait pour faire place à la vue du Mont-Blanc. Dans le coin du tableau qui commençait à paraître, on distinguait de la neige et des sapins. Je plaçai Payot de manière à ce que sa vue pût plonger dans l’ouverture à mesure qu’elle s’agrandissait. Il regarda un instant les yeux fixes, sans souffle, étendant les bras selon que le tableau magique se déroulait ; enfin il jeta un cri, et voulut s’élancer. Je le retins.
— Oh ! s’écria-t-il, laissez-moi aller, laissez-moi aller. Voilà le Mont-Blanc ; voilà le glacier de Taconnay ; voilà le village de la côte ; Chamouny est derrière nous !… — Il se retourna. — Laissez-moi aller embrasser ma femme et ma fille, je vous en prie, je reviendrai vous retrouver tout de suite.
Tous les spectateurs s’étaient retournés de notre côté, et je commençais à être assez embarrassé de ma contenance… Je pensai qu’il était temps de finir cette comédie, et comme Payot insistait