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ILLUSTRTATIONS SCIENTIFIQUES.

Je ne sais pas si c’était là le chiffre exact de sa fortune ; mais je puis assurer qu’un de ses amis lui a vu, lors de la dissolution de la faculté de médecine en 1822, pour plus de cent mille francs d’inscriptions de rentes sur le grand-livre. Il avait en outre une maison considérable rue Richelieu, et on lui offrait 900,000 francs de sa campagne de Courbevoie dont on voulait faire alors un entrepôt de vins.

On a dit qu’il était joueur ; cela est faux. « Je sais, me disait un de ses amis, où il passait toutes les soirées qu’il dérobait au travail et même où il passait les nuits, et j’affirme qu’il n’a jamais fréquenté les maisons de jeu. »

Il a rendu, comme chirurgien, de grands services à M. James Rothschild, et depuis lors il est toujours resté son ami. On croit même généralement que ce célèbre banquier l’a intéressé dans plusieurs emprunts et dans quelques autres opérations de finance qui tournèrent au profit de sa grande fortune.

Jamais on n’a entendu M. Dupuytren parler avec mépris des choses de la religion ; il ménageait toutes les opinions, mais il n’a point, comme on l’a dit, laissé tomber de sa poche un livre de messe dans un salon des Tuileries ; il était incapable de cette indigne jonglerie.

Nous ne voudrions pas pénétrer davantage dans la vie particulière d’un homme que le silence de la tombe protège et qui se couvre à nos yeux du manteau de sa gloire ; mais il est un fait dont on a tant parlé, que toute notre répugnance ne peut nous empêcher de l’aborder. On prévoit qu’il s’agit de son mariage projeté avec la fille de Boyer. Tout le monde sait que le jour même où le mariage devait être célébré, au moment où la famille réunie l’attendait pour aller à l’autel, il fit dire qu’il n’épouserait pas la fille de son ancien maître et de son ami. Cette rupture pesa long-temps de tout son poids sur Dupuytren, comme une mauvaise action et pourtant ses amis affirment qu’il n’a été coupable que d’une grande faiblesse dont il n’a triomphé qu’au dernier moment. Il n’avait pu prendre sur lui de déclarer plus tôt qu’il ne se croyait pas aimé.

Dupuytren a eu d’autres peines secrètes que nous respecterons ; mais nous pouvons dire, sans sortir des limites que nous nous sommes imposées, qu’il n’était pas heureux. Son caractère n’était pas fait pour goûter le bonheur. Il avait d’ailleurs, au plus haut degré, la