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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/685

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ILLUSTRTATIONS SCIENTIFIQUES.

mise à exécution en 1809 ; mais ce n’est véritablement qu’à dater de 1813, et après les travaux du chirurgien de l’Hôtel-Dieu, que cette opération a pris rang dans la science. Laissons-lui-en donc la gloire tout entière.

M. Dupuytren a pratiqué le premier la résection de la mâchoire inférieure, dans un cas de cancer de cette partie. Le cocher de fiacre qui a subi de sa main cette opération, en 1812, a suivi le cercueil de son bienfaiteur jusqu’au Père-Lachaise. Les personnes du monde se persuadent difficilement qu’il soit possible de retrancher une portion si considérable, sans laisser une difformité prodigieuse de la figure. Il n’en est pourtant rien, et j’ai vu, entre autres, une jeune fille à laquelle M. Dupuytren enleva l’os du menton tout entier, sans qu’il restât d’autre trace de cette opération qu’une légère cicatrice linéaire. Jamais il ne fut plus solennel que dans cette occasion. L’opération est délicate, et surtout elle exige autant de fermeté, de courage et de bonne volonté de la part du patient que du chirurgien ; il arrive un moment où la langue, n’étant plus retenue par l’os de la mâchoire, s’enfonce dans la gorge, et risquerait d’étouffer le malade, s’il n’avait pas la présence d’esprit de la pousser en avant, afin de permettre à l’opérateur de la saisir.

M. Dupuytren nous fit d’abord l’histoire du point de la science dont il allait s’occuper ; il retraça avec une admirable lucidité les dangers et les avantages de l’opération, puis il fit disposer les appareils avec le soin le plus minutieux. Couteaux, ciseaux, bistouris, pinces, réchauds, fers rouges, rien ne manquait aux préparatifs du supplice.

Après avoir recommandé le plus grand silence, M. Dupuytren fit amener la malade : Mon enfant, lui dit-il, vous êtes bien décidée à vous mettre entre mes mains, à subir l’opération qui doit vous délivrer d’un mal incurable par tout autre moyen, à faire tout ce que je vous dirai, sans hésiter, pendant le cours de l’opération ? La jeune fille répondit avec une fermeté qui ne se démentit pas un seul instant.

Deux dents furent d’abord arrachées, les chairs disséquées, l’os scié, détaché, les artères cautérisées avec un fer rouge que l’on éteignit dans la plaie, les parties furent remises en place, recousues, et trois semaines après il n’y paraissait plus.

Il existe plusieurs mémoires de M. Dupuytren, sur la ligature des