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liers de paroles seraient bien ridicules et bien intolérables, s’ils se répétaient souvent. Ils ont été beaucoup plus fréquens cette quinzaine qu’ils ne le sont d’ordinaire. Il faut les attribuer à l’excitation que cause dans la chambre le conflit avec la pairie. C’est de la colère surabondante ; on se bat avec qui l’on peut, en attendant la grande mêlée.

La chambre des lords a repoussé, à une immense majorité, le bill qui tendait à introduire quelques indispensables réformes dans la cour de chancellerie. C’est que ce bill était un acheminement à des réformes bien plus graves. Il conduisait à remanier la juridiction monstrueuse des lords jugeant comme cour d’appel. Il menait à séparer les fonctions politiques et judiciaires du chancelier. Or, ces questions touchent essentiellement à la constitution même de la pairie. On conçoit qu’à l’heure qu’il est les pairs ne soient guère empressés d’ouvrir une voie aux assaillans qui les battent en brèche.

Mais c’est hors du parlement que s’est jouée la principale scène. Le procès intenté à lord Melbourne n’était au fond qu’un procès politique sur lequel les tories fondaient de grandes espérances. Les tories ont fait cette année une campagne peu honorable et peu dans les habitudes parlementaires du pays. Désespérant de détruire le caractère public de leurs ennemis, ils ont essayé de détruire leur caractère privé ; ainsi ont-ils attaqué la moralité de lord Melbourne, de même qu’ils s’en étaient pris à la probité d’O’Connel, au sujet de l’élection de Carlow. Cette seconde tentative sans générosité ne leur a pas mieux réussi que la première. Un jury anglais n’admet pas légèrement la culpabilité en fait d’adultère ; il ne se décide point d’après de simples présomptions, sur la foi de témoins douteux. Bien plus, la loi impose une condition essentielle au mari qui demande des dommages-intérêts. La loi veut qu’il ait été vigilant ; qu’il se soit montré le constant et jaloux observateur de sa femme ; qu’il n’ait jamais paru insoucieux de cet honneur dont il vient réclamer le paiement. Or, tel n’était point le cas de M. Norton. M. Norton n’avait été ni vigilant, ni jaloux ; il n’avait nullement été un sévère gardien de son honneur. Au contraire, il avait fermé les yeux ; il avait été volontairement aveugle. Ces considérations dictaient d’avance le verdict qui a proclamé la double confusion des tories et de leur déplorable instrument. Rien n’a manqué à celle de M. Norton. Il n’a pas même obtenu cette précieuse fiche de consolation du farthing qui eût rejeté les frais à la charge du défendeur ; et l’on sait qu’ils sont considérables en Angleterre lorsqu’il s’agit d’une audition de témoins.

— C’est un véritable événement littéraire que la double publication de l’Essai sur la littérature anglaise et de la traduction du Paradis perdu de Milton, par M. de Chateaubriand. Nous ne pouvons que signaler aujourd’hui à l’attention publique ces deux ouvrages, que recommande assez le nom de l’illustre écrivain. Nous les examinerons une autre fois avec l’étendue et le soin qu’exige une œuvre de cette importance.



F. BULOZ.