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LES MORTS.

FRAGMENT INÉDIT DE LÉLIA.[1]

Chaque jour, éveillée long-temps d’avance, je me promène avant la fin de la nuit, sur ces longues dalles qui toutes portent une épitaphe, et abritent un sommeil sans fin. Je me surprends à descendre, en idée, dans ces caveaux, et à m’y étendre paisiblement pour me reposer de la vie. Tantôt je m’abandonne au rêve du néant, rêve si doux à l’abnégation de l’intelligence et à la fatigue du cœur ; et ne voyant plus dans ces ossemens que je foule, que des reliques chères et sacrées, je me cherche une place au milieu d’eux ; je mesure de l’œil la toise de marbre qui recouvre la couche muette et tranquille où je serai bientôt, et mon esprit en prend possession avec charme.

Tantôt je me laisse séduire par les superstitions de la poésie chrétienne. Il me semble que mon spectre viendra encore marcher lentement sous ces voûtes, qui ont pris l’habitude de répéter l’écho de mes pas. Je m’imagine quelquefois n’être déjà plus qu’un fantôme qui doit rentrer dans le marbre au crépuscule, et je

  1. Dans la nouvelle édition de ses œuvres que l’auteur prépare, Lélia a été complètement refondue et formera trois volumes. Cette édition complète de George Sand paraîtra par livraison de deux volumes, imprimés avec des caractères neufs, sur beau papier.