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je ne m’en plains pas. Et puis ce n’est point le chef timide d’une opposition impopulaire qui nous est représenté : c’est le général prédestiné et triomphant ; car j’imagine que Sa Grace portait la tête d’un autre air à Waterloo qu’à la chambre des lords.

Le maréchal Beresford, du même peintre, se distingue par une vigueur d’exécution semblable et une particularité de costume, digne d’être signalée. Debout sur le champ de bataille, un canon à sa droite, ce noble lord, avec l’habit de combat du général, a la culotte, les bas de soie, et les escarpins de bal. Je ne rendrai pas M. Simpson responsable de cette étrange toilette. Apparemment, l’illustre pair, en se faisant peindre, aura été possédé d’une double vanité. Il aura voulu paraître sous l’habit le plus guerrier possible, tout en montrant sa belle jambe à son meilleur avantage. Cette fantaisie suffirait pour immortaliser le maréchal Beresford, quand même il n’aurait pas livré cette singulière bataille d’Albuhera, qui n’eut ni vainqueur ni vaincu.

Un dernier portrait, qui n’est pas à négliger, c’est celui de lord Brougham. Ici l’ex-chancelier whig n’a pas été, comme lord Lyndhurst, mal à propos affublé de son ci-devant costume officiel. Il est en noir, dans son cabinet, les jambes croisées, un livre fermé à la main. Il est au repos ; il est calme, aussi calme que peut l’être lord Brougham ; car toute l’ardente inquiétude de cet indomptable esprit s’agite dans la convulsion de ses traits et de son regard. Prenez garde, imprudens tories, que son absence rassure ; prenez garde, whigs ingrats qui l’avez renié. Cette puissante peinture de M. Morton vous avertit que le redoutable orateur est plein de vie encore. Prenez garde, il va se lever et parler.

Il y a un certain nombre de larges toiles qu’on devrait à la rigueur ranger parmi les portraits, mais qui veulent évidemment être classées à part.

Tel est premièrement le Macready de M. Maclise, dans la première scène du quatrième acte de Macbeth. Cependant cette apparition échevelée n’est pas Macready ; ce n’est pas Macbeth davantage. On dirait plutôt l’un des fantômes-rois que vont évoquer les sorcières. Mais ces sorcières elles-mêmes, accroupies autour du chaudron, n’ont rien des veird sisters de Shakspeare. Ce ne sont pas les êtres monstrueux qui sembleraient des femmes,