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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE.

n’étaient leurs barbes. Ainsi l’artiste n’a rendu ni l’acteur ni le poète. Qu’a-t-il donc prétendu ? De quelle famille est son ouvrage ?

Voici de la peinture académique, plus difficile encore à caractériser. De jolis enfans couchés sur la soie et sur l’édredon parmi des chiens de toute grandeur ; de jeunes lords en promenade avec leurs gens et leur bétail. Partout, au milieu du parc ou dans le salon, partout la nature animale et la nature humaine sur un même pied d’intimité. M. Landseer ne laisse jamais aller seules ses créatures raisonnables ; il faut inévitablement qu’il leur donne une escorte de quadrupèdes. Je ne contesterai jamais la fantaisie d’un artiste supérieur. Certes tous ces dogues sont d’admirables bêtes. Ils sautent, ils courent, ils lèchent, ils aboient. Vous avancez la main afin de les caresser, ou vous la retirez de peur qu’ils ne mordent. M. Landseer a bien le droit de leur attribuer le principal rôle. Je voudrais seulement qu’ils l’eussent plus décidément. Je voudrais qu’à voir les tableaux de cet excellent artiste, on ne fût pas contraint à se demander lequel des deux, de l’homme ou du chien, y est l’accessoire.

Deux autres académiciens distingués excellent pareillement à peindre la vie animale. Comme ils en renferment la représentation dans des cadres plus étroits, peut-être leurs compositions conviennent-elles mieux. Je dois citer l’Aigle blessé de M. Ward. L’oiseau royal reconnaît que ses propres plumes ont conduit à son cœur la flèche qui le perce. Il se raidit contre la mort, et jette au soleil un dernier regard. C’est là une illustration de huit beaux vers de lord Byron. Cette petite toile est elle-même une noble strophe ailée.

M. Abraham Cooper pousse ses meutes en plaine, et met le cerf aux abois. Il nous mène au chenil, au haras et à l’écurie. Il donne aussi parfois, à ses chevaux, de hardis cavaliers, et les envoie bravement l’un portant l’autre à la mêlée. Sa Bataille d’Hastings est une jolie page de chevalerie.

Il faut que je m’approche beaucoup d’une autre bataille plus moderne, si je veux distinguer l’engagement des troupes anglaises et françaises, et le général sir John Moore étendu mourant. Ce tableau de M. George Jones vaut la peine qu’on l’examine. Ses armées lilliputiennes sont charmantes. Pourtant ce bijou historique a failli m’échapper. Eût-ce été ma faute ? Pourquoi, tandis que les portraits