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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/202

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REVUE DES DEUX MONDES.
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Sicile défaillant, à l’Égypte ; puis, après l’Égypte, aux côtes africaines.

Voilà à quels maux Auguste voulut porter remède. — Sa destinée est une des plus complètes que le monde ait vues ; souverain libre et paisible de l’univers civilisé, il vécut ce qu’il fallait de temps pour voir une génération nouvelle, ignorante des souvenirs anciens, succéder à la génération que Pharsale et Actium avaient décimée. Son règne fut un temps de repos entre la guerre civile et les tyrans, un moment où tous les anciens partis disparurent sans qu’il s’en formât un nouveau, où tous les peuples conquis acceptèrent la conquête, où tous les peuples barbares du dehors furent repoussés, et comme si le monde eût eu besoin de se reposer pour se préparer à un nouvel ordre de destins, comme si Virgile avait eu raison de saluer le nouvel âge sibyllin et les mois de la grande année qui allait naître, Auguste ferma le temple de Janus, et Dieu, pour la première fois, donna la paix à tout l’Occident civilisé.

Au milieu de cette gloire, Auguste naviguait doucement entre les îles du golfe de Naples (bien plus beau alors que le Vésuve ne jetait pas de lave sur ses rivages), se reposait dans ces belles cités, écoutait des flatteries et des poèmes, voyait folâtrer avec une douce joie de vieillard la jeunesse grecque dans ses gymnases, causant, riant, plein de gaieté, lorsque la douleur l’avertit que sa mort était prochaine ; il prit alors un miroir, s’arrangea les cheveux, et, tourné vers ses amis, leur dit comme les acteurs à la fin du spectacle : « N’ai-je pas bien joué le mime de la vie ? montrez-vous contens et applaudissez. »

Pour comprendre les empereurs romains, il faut avoir bien étudié Auguste et Tibère ; le premier donna à l’empire sa forme légale ; il en fit, pour ainsi dire, le droit public : le second lui donna la puissance réelle, parce qu’abandonnant les traditions romaines et les tentatives de restauration auxquelles Auguste s’était attaché, il chercha ailleurs le fondement du pouvoir d’un seul. Tibère seul et sa politique rendent explicables l’incroyable puissance et l’incroyable sécurité de ses successeurs.


F. de Champagny.