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LES HIÉROGLYPHES ET LA LANGUE ÉGYPTIENNE.

vulgaire. Le docteur Young tenta donc, sur le nom de Ptolémée, le seul qui fût conservé dans le texte hiéroglyphique, ce qui avait été tenté avec succès par M. Akerblad sur les noms propres du texte vulgaire. On sent combien peu de ressources doit offrir un seul nom pour arriver à une analyse exacte. Le docteur Young rencontrant juste pour le fond, c’est-à-dire reconnaissant l’expression phonétique des noms propres étrangers, se trompa dans quelques détails ; l’alphabet qu’il forma, incomplet, inexact, resta inapplicable.

Vint alors M. Champollion, qui donna la vie à une découverte demeurée stérile, et qui, la fécondant par un principe auquel n’avait point songé le savant anglais, étranger aux études philologiques, lui fit produire les résultats les plus importans, les plus inattendus. Remplaçant l’alphabet informe de son devancier par un alphabet certain, riche, complet, il nous montra les noms de rois grecs, ceux des empereurs romains, sur des monumens que l’on avait toujours regardés comme remontant à la plus haute antiquité.

L’on a voulu faire du docteur Young et de M. Champollion deux rivaux se disputant une même découverte ; c’est une erreur, comme il est facile de s’en convaincre. Quelles sont, en effet, les prétentions du docteur Young ? Nous les trouvons consignées dans les dernières pages sorties de sa plume, dans la préface de son dictionnaire démotique : « Ce fut alors que, dit-il dans une lettre adressée à l’archiduc Jean d’Autriche, pour la première fois il fit connaître l’identité originelle des différens systèmes d’écriture employés par les anciens Égyptiens, observant qu’on peut reconnaître dans le nom enchorial (en écriture vulgaire) de Ptolémée une imitation éloignée (loose) des caractères hiéroglyphiques dont se compose le même nom. J’ai étendu ensuite la même comparaison au nom de Bérénice. » Quelle est, d’un autre côté, la découverte revendiquée par M. Champollion ? Ce n’est point d’avoir reconnu que l’écriture vulgaire n’est qu’une tachygraphie des hiéroglyphes ; ce n’est point d’avoir cherché dans les cartouches (petits encadremens elliptiques) des noms écrits alphabétiquement de même que dans l’écriture vulgaire, mais seulement « d’avoir fixé la valeur propre à chacun des caractères qui composent ces noms, de manière que ces valeurs fussent applicables partout où ces mêmes caractères se présentent[1]. »

Ainsi, avoir démontré que les écritures sacrées et vulgaires sont de même nature, voilà la part qu’il n’est point possible de contester au docteur Young, et c’est la seule qu’il réclame. Cette identité de nature entre l’écriture hiéroglyphique et l’écriture démotique conduisait naturellement à

  1. Précis du Système hiéroglyphique, deuxième édition, pag. 22.