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essayer sur les noms de l’inscription hiéroglyphique les procédés de lecture employés par M. Akerblad sur l’inscription démotique.

Avoir fixé la valeur propre à chacun des caractères hiéroglyphiques qui composent les noms propres, voilà la part que réclame M. Champollion, et que personne ne lui conteste. Il n’y a point ici découverte disputée : il y a deux découvertes tout-à-fait distinctes. Celle du savant français est venue après celle de M. Young ; mais elle n’en est point une conséquence obligée.

J’arrive aux premiers résultats de la découverte de l’alphabet des hiéroglyphes phonétiques. M. Champollion, en lisant au milieu des sculptures hiéroglyphiques les noms des empereurs de Rome, a ramené en deçà du point initial de l’ère chrétienne des constructions, des décorations, qui différaient assez peu des sculptures les plus anciennes pour que des personnes habiles, des savans distingués, les aient considérées comme vieilles de plusieurs milliers d’années. Par les noms d’Auguste et de Tibère écrits sur ses murailles en caractères hiéroglyphiques, le temple de Dendérah avec son zodiaque est revenu se placer dans les premières années de notre ère ; par ceux d’Adrien, de Trajan, d’Antonin, le petit temple d’Esné, également décoré d’un zodiaque, est redescendu jusque dans la première moitié du second siècle ; et par ceux de Septime-Sévère, de Caracalla, de Géta, le grand temple d’Esné, offrant un zodiaque de même que les deux précédens, s’est trouvé ramené jusque dans la première moitié du iiie siècle. Et ce n’est pas seulement sur la lecture des noms étrangers, au moyen de l’alphabet phonétique, que s’appuient tous ces déplacemens. Des recherches d’un autre ordre ont rendu la démonstration complète. D’une part, MM. Huyot et Gau, portant l’œil de l’architecte sur les monumens de l’Égypte, avaient assigné à chacun d’eux l’âge précisément que leur donnent les lectures de M. Champollion, avant de savoir que l’on fit aucune lecture sur ces monumens. D’un autre côté, M. Letronne se trouvait conduit aux mêmes résultats par les nombreuses inscriptions grecques tracées sur les temples égyptiens. D’après ces inscriptions il nous apprenait que, vers la fin du iie siècle, les Égyptiens tenaient encore à décorer les murs de leurs temples de ces mêmes sculptures, de ces hiéroglyphes si multipliés dont ils les recouvraient dans de plus anciens temps.

Des inscriptions hiéroglyphiques sculptées sur les temples égyptiens, au iie, au iiie siècle de notre ère, et peut-être plus récemment encore, puisque l’on trouve des édifices inachevés dans cette Égypte supérieure, où les antiques usages religieux du paganisme égyptien se sont maintenus sans obstacle jusque dans le vie siècle : voilà un fait de la plus haute importance, comme nous allons le voir.