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gogie des campagnes, deux souverainetés également illégitimes parce qu’elles sont sans intelligence. Mais qu’est-il besoin de rappeler que si le trône d’Isabelle II est devenu le point de ralliement de la grandesse et de la classe moyenne, des hommes de l’industrie et de la partie éclairée du clergé, il le doit moins à la valeur de son titre qu’à l’obligation où fut ce gouvernement de s’appuyer sur des intérêts jusqu’alors impitoyablement repoussés et proscrits ? Il n’y aurait sans doute aucun avantage pour l’Espagne à ce qu’elle fût un jour gouvernée par tel prince étranger qu’il plairait au caprice d’une jeune reine de choisir, et cet avenir l’inquiéterait à bon droit, si, avant de redouter les inconvéniens possibles et fort éloignés d’un système dynastique, il ne lui fallait s’assurer les avantages actuels d’un gouvernement éclairé et libre.

Ce qu’on attend, en effet, de cet universel mouvement dans les hommes et dans les choses, qui, après s’être abrité derrière une intrigue de cour, a fini par devenir une révolution, c’est l’établissement d’un pouvoir entièrement nouveau, sinon dans ses formes, du moins dans ses maximes, qui repousse le passé de l’Espagne comme un legs stérile et funeste, et la fasse enfin sortir des voies où en poursuivant richesse et gloire, elle n’a rencontré que misère et corruption. L’Espagne a pour jamais perdu les Amériques, et son gouvernement vient de le proclamer pour la première fois ; si elle conserve encore aux Antilles et dans la mer des Indes les plus belles colonies du monde après celles de l’Angleterre, ces établissemens ne sont plus de nature à la détourner d’un système purement intérieur, le seul qui convienne à l’exploitation de son magnifique territoire, à la réforme de ses institutions civiles et de ses mœurs.

Effacée du nombre des grandes puissances de l’Europe, qu’elle s’en fasse oublier pendant un siècle, comme ces malades qui se retirent loin du monde pour soigner une santé débilitée par un mauvais régime, ou des infirmités de jeunesse ; que revenue de théories déjà visiblement en baisse dans son sein, et mise par nos armes, s’il le faut, à l’abri d’un absolutisme qui ne triompherait un jour que pour s’abîmer dans l’anarchie, elle reporte toutes ses pensées sur elle-même, n’étudiant son passé que pour s’en éloigner.

Tout gouvernement qui comprendra l’Espagne, s’attachera d’a-