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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE.

compris que cet immortel héros de trois drames immortels était tout autre chose qu’un ignoble bouffon empêtré de graisse et l’ame au ventre.

John Bull à déjeuner, John Bull inondé d’embonpoint, goutteux, impotent, John Bull entouré de monceaux de roast-beef et de jambon, qui s’écrie mélancoliquement : — Nous sommes une nation ruinée ! — ce John Bull-là est une délicieuse personnification de l’égoïsme britannique, — plaisanterie d’autant plus exquise qu’elle est grave et triste comme le peuple qu’elle individualise.

Possesseur de si éminentes qualités, de qualités si voisines du génie, malheureusement M. Haydon les obscurcit par trop de fautes inexcusables. C’est un hasard qu’il prenne la peine ou le temps de composer ; il est plus rare encore qu’il veuille dessiner et peindre. Ses œuvres ne sont guère que des ébauches d’une exécution hâtive et grossière. Mais ces torts, la plupart volontaires, ne sont-ils pas doublement inconséquens et maladroits chez un homme qui prétend fonder une école, restaurer l’art soi-disant détrôné, enfin démolir une académie très digne encore et très capable de défendre son rempart ?

M. Hurlstone n’est pas uniquement un peintre de portraits consciencieux et habile ; ses baronets, ses honorables ladies, ses membres du parlement sont bien Anglais jusqu’au bout des doigts. Il a fait pleine justice à l’auguste gravité de ses fiers compatriotes. Du reste il ne s’est point abstenu d’aller chercher ailleurs la vraie beauté, l’expression naïve et la poésie. Sa Paysanne de Frascati et ses Jeunes muletiers des Abruzzes vous invitent de l’air, du sourire, de la parole, et vous emmènent tout d’abord sous leur ciel béni.

Rien de séduisant comme le coloris des tableaux de M. Hurlstone. Néanmoins je n’ose l’approuver absolument. J’ai peur qu’il ne soit une certaine combinaison d’emprunts déguisés. On dirait un coloris de coalition ; notre artiste n’aurait-il pas, par exemple, fondu sur sa palette et mêlé quelques-uns des tons vaporeux de sir Joshua Reynolds et de Murillo ?

Il y a de l’air, du soleil, de l’animation ; il y a de l’Italie dans la plupart des paysages italiens de M. Linton, quoiqu’il faille leur reprocher un peu de confusion et l’abus des teintes dorées. Je m’afflige de ne pouvoir accorder aucun de ces éloges restrictifs