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SOCIALISTES MODERNES.

l’autre à la raison. Que M. Bazard se retirât, et M. Enfantin, livré à lui-même, devenait trop hardi et trop expérimentateur ; que M. Enfantin fît le premier sa retraite, et M. Bazard restait sans force devant ses doutes et ses hésitations : ce n’était plus un chef d’église, mais seulement un philosophe dans la plus belle acception de ce mot.

Quelques germes de division que couvassent ces deux esprits si anomaux, au jour de l’organisation de la hiérarchie, ils semblaient ne faire qu’une tête et un cœur. On fonda le collége dans lequel entrèrent les initiés de la première et de la deuxième époque, les hommes du Producteur et ceux de l’Organisateur. Plus tard, le siége de la doctrine fut transféré rue Monsigny, où, à quelques mois de là, devait se grouper et s’installer la famille.

Ceci se passait à la veille de la révolution de juillet. Quand la victoire eut émancipé les idées et les affiches, les saint-simoniens en profitèrent pour se donner une publicité de rues. Un étrange placard, signé Bazard-Enfantin, vint se coller hardiment sur les murs de Paris, à côté d’une proclamation de Lafayette et d’un appel à la branche d’Orléans. Le peuple en rit ; mais la chambre des députés, qui était alors en train de s’effrayer de tout, porta gravement l’affaire à sa barre. MM. Dupin et Mauguin signalèrent, du haut de la tribune, une secte qui prêchait la communauté des biens et la communauté des femmes ; imputations auxquelles MM. Bazard et Enfantin crurent devoir répondre le 1er octobre 1830. Voici comment ils le faisaient dans une brochure adressée à la chambre des députés. Aux formes, aux prétentions assez modérées de cet écrit, il est facile de voir qu’il provenait plutôt de l’impulsion de M. Bazard que de celle de son collègue.

« Oui, sans doute, les saint-simoniens professent sur l’avenir de la propriété et sur l’avenir des femmes, des idées qui leur sont particulières et qui se rattachent à des vues toutes particulières aussi et toutes nouvelles, sur la religion, sur le pouvoir, sur la liberté, et enfin sur tous les grands problèmes qui s’agitent aujourd’hui dans toute l’Europe d’une manière si désordonnée et si violente ; mais il s’en faut de beaucoup que ces idées soient celles qu’on leur attribue.
« Le système de communauté des biens s’entend universellement du