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partage égal entre tous les membres de la société, soit du fonds lui-même de la production, soit du fruit du travail de tous.
« Les saint-simoniens repoussent ce partage égal de la propriété, qui constituerait à leurs yeux une violence plus grande, une injustice plus révoltante que le partage inégal qui s’est effectué primitivement par la force des armes, par la conquête.
« Car ils croient à l’inégalité naturelle des hommes, et regardent cette inégalité comme la base même de l’association, comme la condition indispensable de l’ordre social.
« Ils repoussent le système de la communauté des biens, car cette communauté serait une violation manifeste de la première de toutes les lois morales qu’ils ont reçu mission d’enseigner, et qui veut qu’à l’avenir chacun soit placé selon sa capacité et rétribué selon ses œuvres.
« Mais en vertu de cette loi, ils demandent l’abolition de tous les priviléges de naissance, sans exception, et par conséquent la destruction de l’héritage, le plus grand de ces priviléges, celui qui les comprend tous aujourd’hui, et dont l’effet est de laisser au hasard la répartition des priviléges sociaux, parmi le petit nombre de ceux qui veulent y prétendre, et de condamner la classe la plus nombreuse à la dépravation, à l’ignorance, à la misère.
« Ils demandent que tous les instrumens du travail, les terres et les capitaux qui forment aujourd’hui le fonds morcelé des propriétés particulières, soient exploités par association et hiérarchiquement de manière à ce que la tâche de chacun soit l’expression de sa capacité, et sa richesse la mesure de ses œuvres.
« Les saint-simoniens ne viennent porter atteinte à la constitution de la propriété, qu’en tant qu’elle consacre pour quelques-uns le privilége impie de l’oisiveté, c’est-à-dire de vivre du travail d’autrui ; qu’en tant qu’elle abandonne au hasard de la naissance le classement social des individus.
« Le christianisme a tiré les femmes de la servitude ; mais il les a condamnées pourtant à la subalternité, et partout, dans l’Europe chrétienne, nous les voyons encore frappées d’interdiction religieuse, politique et civile.
« Les saint-simoniens viennent annoncer leur affranchissement définitif, leur complète émancipation, mais sans prétendre pour cela abolir la sainte loi du mariage, proclamée par le christianisme ; ils viennent, au contraire, pour accomplir cette loi, pour lui donner une nouvelle sanction, pour ajouter à la puissance et à l’inviolabilité de l’union qu’elle consacre.
« Ils demandent, comme les chrétiens, qu’un seul homme soit uni à