bien de lui offrir de l’argent, car pendant que nous étions chez lui, lui ayant témoigné le désir d’acheter une Bible islandaise de Hoolum et une édition ancienne du Landnamabok que je trouvai dans sa bibliothèque, il avait voulu me les donner, mais non en recevoir le prix. À Reykiavick, nous avons joui du même accueil. Les Islandais aiment les étrangers. Ils sont flattés qu’on vienne les voir de si loin ; puis, ils avaient gardé un bon souvenir de M. Gaimard et de son compagnon de voyage, qui étaient déjà venus ici l’année dernière ; enfin, nous leur apportions beaucoup de choses utiles dont ils n’avaient pas encore appris à se servir.
Mais ce qui ne serait ailleurs qu’un trait de caractère louable, devient ici une œuvre difficile, une véritable vertu. Quand ces pauvres gens vous apportent une jatte de lait, une tasse de café, ils se privent souvent du nécessaire. Ils sacrifient en un instant ce qu’ils ont obtenu avec beaucoup de peine ; ils donnent à l’étranger ce qui était réservé pour une occasion solennelle, pour leurs fêtes de famille. Hélas ! tout ce qu’on a dit de la misère des Islandais n’est point exagéré ; et à Reykiavik même, là où l’affluence des étrangers, le mouvement du commerce, pourraient servir à la pallier, cette misère éclate encore de toutes parts. Il y a ici, comme je l’ai déjà indiqué, deux populations distinctes, les marchands danois, les pêcheurs et paysans islandais. Les marchands viennent chaque année avec leurs bâtimens chargés de denrées étrangères. Ils arrivent au mois de mai, et s’en retournent, pour la plupart, au mois d’août. Quelques-uns seulement passent ici l’hiver. Ils ont des habitations élégantes et jouissent d’une vie confortable. Derrière ces maisons danoises, bâties à grands frais avec des planches et des solives apportées de la Norwège, on aperçoit une construction grossière, une muraille de tourbe et de mousse, portant un toit de gazon qui s’en va en pointe comme une tente. C’est la cabane islandaise, le bœr. Il n’est plus ici question d’art ni d’élégance. La seule chose que l’on ait eu en vue en construisant ces demeures massives, c’est de mettre les habitans à l’abri du froid. La muraille est épaisse de quatre à cinq pieds, recouverte en terre et fermée hermétiquement de tous côtés ; une porte étroite au milieu, un carreau de fenêtre à côté, une ouverture au-dessus du toit. L’intérieur est divisé en quatre compartimens, le sol entièrement nu, et l’espace si resserré qu’à peine peut-on s’y mouvoir. Ici le pêcheur prépare ses filets et ses lignes ; là deux mauvais tonneaux, gâtés par l’humidité, renferment ses provisions. Dans la cuisine pendent ses pantalons en peau de phoque et son manteau en cuir épais. Deux pierres posées l’une sur l’autre composent le foyer, et des ossemens de baleine, des têtes de cheval desséchées, servent de siège. On n’entre là qu’en courbant la tête ; on ne peut s’y tenir debout. Au dehors apparaît un enclos où le paysan n’a pu faire croître un peu d’herbe