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LES BARDES.

premier, et ont attendu le second avec un espoir obstiné qui a été proverbial au moyen-âge sous le nom d’espoir breton.

Mais les traditions qui concernent Arthur et Merlin sont certainement galloises d’origine ; Arthur et Merlin ont vécu dans le pays de Galles et non en Basse-Bretagne. La mort d’Arthur est liée à la ruine de l’indépendance cambrienne ; l’attente de son retour, à la résurrection de cette indépendance. Il n’y a pas moyen de douter qu’Arthur ne soit un héros étranger à notre Bretagne, où ont été importés tout ensemble et son nom et l’intérêt glorieux que le sentiment national des bardes gallois avait attaché à ce nom.

Quant aux bardes armoricains, nous ne pouvons faire pour eux ce que nous avons fait pour ceux des autres pays celtiques, suivre de siècle en siècle leur destinée : la Bretagne est, au moyen-âge, si étrangère et si inconnue à la France, que nous manquons de renseignemens sur ses bardes, comme sur presque tout ce qui la concerne.

C’est de ces bardes inconnus et problématiques de la Bretagne qu’un homme très savant, M. Delarue[1], a voulu faire descendre les trouvères et les jongleurs. C’est dans certaines compositions bretonnes, dont le nom seul est connu, et qu’il suppose être l’ouvrage des bardes, dans les lais bretons, qu’il voit la source de presque toute la poésie chevaleresque du moyen-âge.

On peut affirmer que les bardes ne sont pour rien dans l’origine des jongleurs et des trouvères. Les jongleurs furent une continuation de ces personnages, tantôt mimes, tantôt joueurs de lyre, qu’on appelait joculatores, d’où l’on a fait jongleurs. Le plus ancien personnage appartenant à cette classe, dont l’histoire moderne fasse mention, est ce joueur de lyre, citharedus, que Théodoric envoya d’Italie à Clovis. L’origine des jongleurs, comme leur nom l’atteste, est donc romaine et nullement celtique.

Les trouvères sont, dans le nord de la France, ce qu’étaient les troubadours dans le midi ; et les troubadours, aussi bien que les jongleurs, se rattachent aux restes de la culture gréco-romaine dans la Gaule méridionale. Aucun fait ne les rattache aux bardes.

Une autre question se présente. Quelle part les traditions galloises, soit qu’elles aient été seulement chantées par les bardes

  1. Recherches sur les ouvrages des bardes armoricains, par G. Delarue, 1815.