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teurs et lecteurs, qu’il fasse sa réputation, ce qui est autre chose souvent que faire un bon ouvrage. Il faut mentir aux bons instincts de son génie, et parader long-temps devant un public frivole, afin de s’en faire remarquer. C’est là un grand mal, et dont les suites sont plus fâcheuses qu’on ne pense, dans un pays où l’intelligence gouverne tout par des écrits. Nous croyons donc que, s’il y a exception sur ce point, elle est en faveur du prêtre. Son œuvre est naturellement poussée par le corps ecclésiastique dont les membres pénètrent partout, et accueillie par une clientelle fervente qui se fait de l’admiration un devoir de conscience. Le prêtre, en un mot, dispose d’un mécanisme de publicité dont l’agencement date des beaux jours de l’église, et qui, malgré sa vétusté, est encore assez puissant aujourd’hui pour élever à la réputation des mérites fort contestables.

ii. — PHILOSOPHIE.

Les ouvrages de cet ordre, au nombre de vingt environ, se rapportent par moitié à la métaphysique abstraite ou à des thèses de morale pratique. Il en est un, parmi les premiers, qui, se présentant comme le dernier mot de la science des principes, sollicite de notre part un examen sérieux. Nous transcrivons son titre : « Cours de philosophie, professé à la Faculté des Lettres par M. Victor Cousin, publié, avec son autorisation, et d’après les meilleures rédactions de ce cours, par M. Adolphe Garnier, maître de conférences à l’École normale. » La prétention de régénérer les études philosophiques, proclamée il y a vingt ans par M. Cousin, souleva une polémique assez âpre, mais qui s’éteignit bientôt, faute d’aliment. L’habile professeur put répondre à ses antagonistes, qu’on ne devait pas le juger sur les souvenirs que laissait une improvisation rapide, ni même sur des Fragmens imprimés, qu’il ne présentait que comme des pages déchirées du livre de sa doctrine. Le mouvement politique des dernières années l’ayant porté à la direction suprême de l’enseignement, il a dû formuler enfin son système ; et quoique n’ayant pas tenu la plume, il accepte évidemment l’expression des théories produites en son nom. On connaît la manière de l’auteur : le suivre de trop près, c’est s’exposer souvent à être obscur. Nous n’hésiterons pas cependant à pénétrer avec lui dans les profondeurs de la métaphysique ; un grave intérêt nous y attire. Ce livre est destiné à l’enseignement : il importe de savoir quelles opinions, quelles sympathies, quelle vigueur morale doivent apporter dans le monde ces enfans qui demain seront des hommes.

Le professeur s’exprime ainsi dès son début : « Ce que je recommande, c’est cet éclectisme éclairé qui, jugeant toutes les doctrines, leur emprunte ce qu’elles ont de commun et de vrai, néglige ce qu’elles ont d’opposé et