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ciliation satisfaisante à ces deux mouvemens jusqu’ici opposés et séparés, Mme Allart s’abuse peut-être : mais, à coup sûr, elle se pose la question avec une noble fermeté philosophique, et elle s’y agite, au nom de Settimia, en jetant çà et là de grands traits. Tout le premier volume, qui est rempli des luttes violentes et tendres de Settimia et de Marcel, et de l’essai de vie indépendante que va mener à Naples Settimia après le départ de son amant pour l’Inde, me paraît supérieur au second, qui contient le retour de Marcel, ses dangers dans la traversée à bord du Kent, et ses luttes nouvelles avec Settimia plus fatigantes que les premières et trop prolongées. Je n’aime pas non plus du tout qu’il ait été, même un seul moment, sous-secrétaire d’état, et cela sans avoir été à la Chambre (faveur singulière) ; ce seul mot de sous-secrétaire d’état me gâte toute cette Rome et la passion de ces nobles êtres. Oh ! non, la grande ambition, la vraie gloire, même l’influence aujourd’hui enviable de toute pensée mâle, n’est pas là. — En somme Settimia, par la gravité du ton, par l’éloquence de certaines pages, et la science combinée de l’ambition et de l’amour, n’est pas indigne de ce grand nom de Rome qui sans cesse y revient et dont l’adoration y domine : les personnes sérieuses qui ont vu l’Italie, et qui ont la religion romaine, comme on dit, pourront placer ce roman élevé dans leur bibliothèque, pas très loin du roman de Rome Souterraine qu’il rappelle quelquefois.

Le nom d’Hyppolite Arnaud, qu’un roman intitulé Pierre[1] a fait remarquer, cache, dit-on, celui d’une autre femme. Si l’auteur, résistant aux exigences de la routine, fût resté maître de son cadre, si la nécessité de fournir deux volumes n’eût pas fourvoyé son principal personnage jusque dans la Mer Pacifique, nous n’aurions que des éloges pour des scènes d’un sentiment vrai et profond, d’une exécution chaleureuse. À tout prendre, c’est un heureux début, qui oblige à la fois l’auteur à une étude plus sévère du sujet, et le public à cette bienveillante attention qui féconde le talent.

M. de Balzac, qui se fait appeler le plus fécond de nos romanciers, a trouvé un système de composition qui lui permettra de justifier ce titre sans trop de peine. Au lieu de lutter pour accorder à la pensée les élémens que lui offre la langue commune, travail ingrat où l’écrivain épuise d’ordinaire son temps et sa force, M. de Balzac forge un mot, ou ce qui revient au même, emploie des termes barbares et inintelligibles, que les compilateurs de vocabulaires vont chercher on ne sait où ? Souvent encore, il nous donne pour des métaphores des mots qui sonnent creux en se rencontrant. Ainsi le Lys dans la Vallée nous révèle des pa-

  1. Chez Ladvocat, libraire, rue Chabanais, 2.