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IL NE FAUT JURER DE RIEN.

LE GARÇON.

Que oui, monsieur, nous y allons tous les jours. C’est à main gauche ; on le voit d’ici.

VAN BUCK.

Mon ami, je vous défends d’y aller, si vous avez quelque notion du bien et du mal.

VALENTIN.

Il y a deux louis à gagner pour vous. Voilà une lettre pour Mlle  de Mantes, que vous remettrez à sa femme de chambre, et non à d’autres, et en secret. Dépêchez-vous et revenez.

LE GARÇON.

Oh ! monsieur, n’ayez pas peur.

VAN BUCK.

Voilà quatre louis si vous refusez.

LE GARÇON.

Oh ! monseigneur, il n’y a pas de danger.

VALENTIN.

En voilà dix ; et si vous n’y allez pas, je vous casse ma canne sur le dos.

LE GARÇON.

Oh ! mon prince, soyez tranquille ; je serai bientôt revenu.

(Il sort.)
VALENTIN.

Maintenant, mon oncle, mettons-nous à l’abri ; et si vous m’en croyez, buvons un verre de bière. Cette course à pied doit vous avoir fatigué.

(Ils s’asseoient sur un banc.)
VAN BUCK.

Sois-en certain, je ne te quitterai pas ; j’en jure par l’ame de feu mon frère et par la lumière du soleil. Tant que mes pieds pourront me porter, tant que ma tête sera sur mes épaules, je m’opposerai à cette action infâme et à ses horribles conséquences.

VALENTIN.

Soyez-en sûr, je n’en démordrai pas ; j’en jure par ma juste colère et par la nuit qui me protégera. Tant que j’aurai du papier et de l’encre, et qu’il me restera un louis dans ma poche, je poursuivrai et achèverai mon dessein, quelque chose qui puisse en arriver.

VAN BUCK.

N’as-tu donc plus ni foi ni vergogne, et se peut-il que tu sois mon sang ? Quoi ! ni le respect pour l’innocence, ni le sentiment du convenable, ni la certitude de me donner la fièvre, rien n’est capable de te toucher !

VALENTIN.

N’avez-vous donc ni orgueil ni honte, et se peut-il que vous soyez mon