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DE L’ESPAGNE.

M. Mendizabal. C’est de Londres qu’était parti ce dernier pour occuper d’abord le ministère des finances, puis la présidence du conseil. Il emportait des instructions du ministère anglais, mais bien différentes de celles qu’avait données notre gouvernement, lequel se bornait à recommander qu’on ne cédât rien à la révolution. « Nous vous connaissons, nous avons confiance en vous, avaient dit les ministres anglais à M. Mendizabal ; vous avez prouvé en Portugal ce que vous savez faire. Allez à Madrid, laissez la révolution suivre son cours, détruisez à tout prix le carlisme, cédez aux nécessités pour atteindre ce but, et, s’il le faut, prenez le bonnet rouge. » M. Mendizabal put calmer les juntes et préparer, par quelques décrets révolutionnaires, comme la destruction totale des couvens et l’appel de cortès révisantes, la victoire que vient de remporter son parti. Une intrigue de cour le renversa, et la politique française reprit un moment le dessus. Isturiz, Galiano, ces mêmes hommes qui avaient été les coryphées des opinions extrêmes, qui s’étaient fait mettre hors la loi par M. de Toreno pour avoir soulevé les juntes, qui avaient dirigé dans les cortès, contre Mendizabal lui-même, l’opposition ultra-libérale, consentirent, par je ne sais quelle misérable ambition ou quelle petite rancune personnelle, à se faire les soutiens et les avocats d’un régime qu’ils avaient combattu, les instrumens éphémères d’un parti qui se servait d’eux sans les adopter. L’Espagne enfin, lasse de tant de fautes, irritée de tant de méfaits, a renversé, par un mouvement spontané, unanime, les derniers champions du parti de la cour et de l’étranger. Elle a relevé la pierre de sa constitution. Nul ne sait, nul ne peut prévoir quel sera l’effet de ce grand mouvement national ; peut-être est-il tardif, comme il est désespéré ; mais ses causes du moins sont manifestes, sont flagrantes, et il ne me reste qu’à parler des raisons qu’ont eues les Espagnols en rétablissant ce code politique, deux fois librement promulgué, deux fois aboli violemment.

Quiconque a la plus légère teinte de l’histoire de l’Espagne n’a pu manquer de reconnaître un fait évident : c’est l’empire qu’exercent en ce pays les souvenirs historiques ; c’est la puissance des choses traditionnelles. Aucune institution exotique ne prend racine dans la terre d’Espagne ; si vous voulez l’y faire fleurir, entez-la sur quelque vieux tronc. Les Bourbons y ont apporté la loi salique ; la