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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/781

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REVUE. – CHRONIQUE.

L’Espagne est un bien malheureux pays ; elle expie chèrement ses splendeurs du moyen-âge et son dernier éclat au xvie siècle ; elle n’a plus la vie du passé, l’énergie des anciens jours, le génie catholique. Elle n’a pas encore été suffisamment pénétrée par l’esprit moderne et philosophique ; elle ne peut s’enfanter à elle-même des institutions qui la satisfassent et l’expriment. Elle ne peut trouver d’hommes d’état qui sachent la comprendre et la servir. M. Martinez de la Rosa, avec son statut royal, n’a fait qu’une malencontreuse imitation des constitutions anglaise et française. Or, sans partager sur l’Espagne toutes les appréciations historiques que l’amiral Grivel vient d’adresser, il y a quelques jours, au Journal des Débats, il est certain qu’il y a là un esprit local et fédéral qu’il faut satisfaire, avant tout, même dans l’intérêt d’une unité centrale et forte dont un pays comme l’Espagne ne saurait guère se passer. M. Martinez de la Rosa a manqué une de ces grandes occasions dont la perte est toujours féconde en calamités ; il n’a rien eu d’espagnol, de national, d’intelligent. Si aujourd’hui l’Espagne se rallie à la constitution de 1812, c’est que cette esquisse improvisée au milieu d’une résistance héroïque, représente à la fois pour elle la cause de l’indépendance et des franchises provinciales. Puissent les nouvelles cortès qui s’assembleront dans quelques mois donner enfin une expression aux sentimens et aux droits du peuple espagnol !

L’ancien ministère doctrinaire du 11 octobre a constamment travaillé à imprimer une direction rétrograde aux affaires de la Péninsule ; en vain M. de Rayneval cherchait-il à l’éclairer et à lui faire changer de vues ; le courrier de Paris lui apportait toujours pour réponse des instructions de plus en plus anti-libérales : aussi notre représentant à Madrid, se sentant humilié du rôle qui lui était imposé, cherchait à circonscrire sa sphère d’action au lieu de l’étendre, et abandonnait à la diplomatie de l’Angleterre et de M. de Villiers l’honneur d’une influence active et démocratique. Cette situation fausse n’a pas peu contribué à jeter dans le cœur et sur les derniers jours de M. de Rayneval une amertume mortelle.

L’Angleterre n’a pu voir sans le plus vif mécontentement l’abandon qu’a fait notre politique officielle de la cause de la révolution espagnole, c’est de toutes parts une haute clameur contre le cabinet du 6 septembre. Singulière position que celle du parti doctrinaire ! Il s’était vanté d’amitiés honorables et d’une noble solidarité dans le parti whig. L’année dernière les lois de septembre ont fait perdre à MM. de Broglie et Guizot toute alliance politique de l’autre côté du détroit. Aux yeux d’un Anglais, whig ou tory, toucher au jury, à la liberté individuelle, à la liberté de la presse, est une forfaiture qui ne se pardonne pas. Aujourd’hui les doctrinaires rompent encore avec les hommes dont ils se disent