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REVUE. – CHRONIQUE.

Dès les premiers jours qui ont suivi le rétablissement de la constitution, ses partisans avaient eu à se féliciter de quelques succès militaires, auxquels on a donné d’autant plus d’importance qu’ils sont plus rares. Mais depuis, les armes de la reine ont éprouvé plusieurs échecs ou n’ont pu empêcher les carlistes de faire à peu près ce qu’ils voulaient. Ainsi, le général Basilio Garcia, qui s’était jeté dans la province de Soria et interceptait, au commencement du mois d’août, les communications entre Madrid et la France par la route de l’Aragon, a repassé l’Ebre et regagné la Navarre sans être entamé, malgré tous les efforts de plusieurs généraux envoyés à sa poursuite, malgré une crue extraordinaire qui l’avait retenu quelques jours sur la rive droite, malgré les milices de Sarragosse et le capitaine-général Evaristo San-Miguel. Au moins il ne menaçait plus Madrid, et c’était toujours un avantage qu’il eût évacué le pays, bien qu’il emmenât des recrues, des chevaux, des munitions, de l’argent ; mais au moment où l’on s’y attendait le moins, voilà Gomez qui arrive encore plus près de la capitale, sur cette même route de Madrid à Sarragosse, et qui bat les troupes constitutionnelles dirigées contre lui. C’étaient les mêmes régimens qui avaient été pendant quelque temps maîtres absolus de Madrid, et qu’on avait eu tant de mal à en faire sortir. Le général Espartero, le meilleur de l’armée espagnole, qui poursuivait Gomez depuis près de deux mois sans jamais atteindre le gros de ses forces, a fini par tomber malade de fatigue, et sa division, fort affaiblie sans doute, n’était plus commandée par lui quand le chef carliste est venu braver la révolution à quelques heures de Madrid. Il paraît que le grand talent de Gomez consiste à dérober ses mouvemens, et qu’il a des soldats infatigables. Entouré d’ennemis après son entrée en Galice, il a su leur échapper et conserver toujours sur Espartero, le plus redoutable de tous, plus de vingt-quatre heures d’avance, quoiqu’il traînât avec lui un butin considérable. Cela tient sans doute aussi à ce que les paysans le servaient bien et servaient mal ceux qui étaient à sa poursuite. Après l’affaire de Jadraque, ou ne sait au juste quelle direction il a prise, et on suppose qu’il veut opérer sa jonction avec quelques bandes avancées de la faction de Valence.

Cependant l’inaction de don Carlos depuis les évènemens de Saint-Ildefonse a causé une grande surprise à tous les partis ; on s’attendait généralement à lui voir essayer un mouvement hardi contre cette armée sans discipline et sans chef qui fait face à l’insurrection carliste sur l’Ebre. Mais rien n’a indiqué même que ses généraux en aient eu la moindre pensée. Nous ne hasarderons pas des conjectures sur un fait dont les causes sont fort bien connues sans doute de ceux qui reçoivent à Paris en épreuve, ou qui dictent les proclamations du prétendant. Mais ce que nous savons