Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/786

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
782
REVUE DES DEUX MONDES.

bien, c’est que bon nombre de ses amis en Europe ont cru qu’il ne perdrait pas un instant pour s’élancer sur la route de Madrid, et que bon nombre de ses ennemis l’ont craint.

Quoi qu’il en soit, jamais une victoire, nous ne disons pas une victoire décisive, car il en faudra plus d’une, n’a été plus nécessaire aux troupes de la reine. Si elles peuvent se réorganiser, elles le feraient sous cette heureuse influence, et si elles ne reçoivent pas une impulsion énergique, si la confusion actuelle se prolonge encore quelque temps, ce sera une cause compromise. Un coup de main hardi rendra maître de la capitale quelqu’un des lieutenans de don Carlos, et alors modérés et révolutionnaires, tous ceux qui ont fait acte d’adhésion au gouvernement de la reine et à la succession féminine, seront enveloppés dans une réaction effroyable dont les instrumens sont tout prêts et attendent patiemment leur jour ; mais la lutte ne sera pas terminée et coûtera encore bien du sang.

On assure que le ministère espagnol ne doit pas remplacer à Paris M. le général Alava, qui a refusé de prêter serment à la constitution de 1812. M. Alava conservera ses fonctions d’ambassadeur. C’est une galanterie dont on veut se faire un mérite auprès du gouvernement français, pour en obtenir les secours promis par M. de Bois-le-Comte à M. Isturitz ; et tel est probablement l’objet de la mission de M. Marliani, qui est arrivé ces jours derniers.

On s’attendait généralement à voir M. Mendizabal revenir aux affaires ; mais il n’en est pas question, ce qui ne doit s’entendre que d’un portefeuille et d’une place dans le conseil ; car M. Mendizabal reste dans les coulisses et conserve son attitude de protecteur du ministère Calatrava. Il travaille ostensiblement avec les membres du cabinet, et l’opinion publique de Madrid attribue à son inspiration toute-puissante leurs actes les plus importans. Il a ou du moins il affecte une confiance imperturbable, qu’il fait partager jusqu’à un certain point à la légation anglaise, dont les relations avec lui sont bien connues. Le chef de ses adversaires dans la dernière assemblée des cortès et son successeur à la présidence du conseil, M. Isturitz, a eu le bonheur de gagner le territoire portugais, sans être reconnu, ce qui lui aurait valu le sort de Quesada, et s’est embarqué à Cintra, pour Falmouth, où il est arrivé. M. Isturitz ne restera probablement pas long-temps en Angleterre, et viendra sans doute à Paris.



F. Buloz.