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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/123

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DESDEMONA.

Immobile et les doigts collés sur tes cheveux,
N’as-tu pas écouté ses terribles aveux !
À force de le voir et de toujours l’entendre,
Ton ame s’est laissée aller de son côté ;
Et lorsque dans la nuit il est venu te prendre,
À lui tu t’es livrée avec sérénité ;
Et quoiqu’il eût laissé, de son corps de squelette,
Tomber le blanc manteau de l’époux africain,
Qu’il n’eût ni le collier, ni l’habit de satin,
Ni la toque en velours de l’amant de Juliette,
Et qu’un simple linceul revêtît son corps nu,
Tu t’es mise à sourire et tu l’as reconnu ;
Tu t’es sur ton séant levée en sa présence,
Et tes grands yeux alors, éteints par la douleur,
Ont repris tout à coup leur belle transparence,
Et jeté de nouveau les flammes de ton cœur.
Alors, ta belle voix limpide, dont la fièvre
Avait séché le flot en tes poumons taris,
Est venue un moment murmurer sur ta lèvre
Un murmure ineffable et que nul n’a compris,
Pareil au bruit du vent sur les gazons flétris.
Puis l’étrange concert grandissant comme l’onde,
Une vague musique élevée et profonde
S’est partout répandue avec profusion ;
Et toi, dans le moment de l’inspiration,
Ta force des grands jours s’est toute ranimée
Pour embrasser la Mort qui t’avait tant aimée.


Henri Blaze.