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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/135

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DE LA PRÉSIDENCE AMÉRICAINE.

les Peaux-Rouges ou les bêtes de la forêt. Rien n’y était plus commun alors que ces duels à bout portant, à la carabine, au pistolet ou à la dague. Ces mœurs brutales ont à peu près disparu du Tennessée ; elles se sont transportées, avec l’extrême frontière, du côté du Missouri et de l’Arkansas, ou se sont concentrées dans quelques coins des jeunes états de Mississipi et d’Alabama. C’est par là aujourd’hui que se passent ces scènes, où, à table, des convives se prenant de querelle se tirent des coups de pistolet à brûle-pourpoint, et tuent leurs voisins de droite ou de gauche. S’il y a un endroit où chaque soirée soit marquée par une bataille entre des joueurs à demi ivres, ce n’est plus en Tennessée, c’est à Vicksburg ou à Natchez. Là on s’aborde le matin en se demandant : « Qui a été poignardé la nuit dernière (who was stabbed last night) ? » tout comme ailleurs on s’informe des nouvelles politiques et du prix des marchandises. La vallée du Mississipi offre encore presque partout des traces de ce régime de violence. Il y est habituel d’avoir dans sa poche un couteau-poignard (dirk), et quelquefois, sur le bateau à vapeur, le voyageur stupéfait aperçoit, entre les pans de l’habit d’un de ses compagnons de route, une paire de pistolets attachés à la boucle de son pantalon. C’était précisément pendant la jeunesse d’André Jackson que le Tennessée et le Kentucky étaient le théâtre des exploits des joueurs et des duellistes, si l’on peut donner le nom de duels à ces boucheries. Doué d’un courage bouillant, d’un tempérament indomptable, altier, prompt à prendre ombrage sur le plus léger incident, empressé à épouser les querelles de ses amis, quand il n’en avait pas pour son compte, implacable dans ses haines ; le général dut se signaler dans cette vie batailleuse. Sans ajouter foi à tout ce que l’on raconte de lui, il paraît certain cependant que, lorsqu’il était resté quelque temps sans guerroyer contre les Indiens, il lui fallait absolument une mêlée avec quelques-uns des braves du pays. Sa rencontre avec le colonel Benton est citée aux États-Unis comme un des épisodes caractéristiques des premiers temps de l’Ouest[1].

  1. Voici comment le colonel Benton rendit compte publiquement de l’engagement qu’il avait eu à soutenir avec son frère contre le général Jackson et ses amis. Je reproduis sa déclaration, tout en avertissant que c’est le dire d’un adversaire ; je la présente bien plus comme un tableau des mœurs des frontières que comme une pièce de conviction contre le général Jackson. Il faut même que le colonel ait reconnu que tous les torts, dans