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DE LA PRÉSIDENCE AMÉRICAINE.

proposa d’en avoir huit ou dix. Elle fit appel à l’esprit de localité ; elle recommanda dans chaque état une notabilité qui y avait ses relations et y exerçait son influence. M. White, M. Webster, M. Mac Lean, M. Leigh, M. Harrison, eussent été candidats chacun chez soi. On supposait même que M. Clay arborerait sa bannière dans le Kentucky, et M. Calhoun dans la Caroline du Sud. De la sorte, M. Van Buren, au lieu d’avoir la majorité des suffrages, n’en aurait eu que la pluralité. L’élection eût été déférée à la chambre des représentans, où, dans ce cas, les votes sont pris, non par têtes, mais par états, et il n’eût pas été impossible qu’à la suite de ces longs ballotages, dont le congrès américain offre de nombreux exemples, à l’aide de quelque coalition, l’opposition parvint à glisser au fauteuil présidentiel l’un de ses dix ou douze prétendans.

Mais ni M. Clay, ni M. Calhoun, ni M. Leigh, n’ont voulu de cette candidature postiche ; M. Mac Lean s’est désisté ; M. Webster s’est trouvé en concurrence dans le Nord avec le général Harrison, et malgré l’éclat de son éloquence, malgré sa réputation de savoir, il a vu la multitude déserter sa cause pour celle du vieux soldat de Tippécanoë. Les souvenirs de la convention d’Hartford[1] lui ont porté malheur. Il ne reste dans la lice, contre M. Van Buren, que M. White et le général Harrison. Le premier paraît même n’avoir plus de chances que dans deux états du Sud, le Tennessée et l’une des Carolines. M. Van Buren n’a donc contre lui, dans la plupart des états, que la vieille épée du dernier. Comme la démocratie américaine raffole aujourd’hui de la gloire militaire, on pourrait croire que les batailles du général Harrison contre les Indiens et les Anglais, et, surtout contre le fameux chef Técumseh, ont quelque chance pour l’emporter sur les titres tout civils de M. Van Buren ; mais celui-ci réfléchit la gloire du général Jackson, et le simple reflet de la Nouvelle-Orléans éclipse les victoires de Tippécanoë, du fort Meigs et de la Tamise. La candidature du général Harrison est cependant la plus sérieuse de toutes celles qui ont été produites depuis deux ans, et elle est assez redoutable pour M. Van Buren.

Le général Harrison est un homme simple dans ses mœurs,

  1. Ce fut une convention de délégués de plusieurs états de la Nouvelle-Angleterre (nord-est de l’Union) qui, pendant la guerre de 1812 contre l’Angleterre, souleva beaucoup d’obstacles au gouvernement. M. Webster, alors fort jeune, en était membre.