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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/17

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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

essayés par les constituans de Bayonne en 1808 et les constituans de Cadix en 1812, puis reprises en sous-ordre sous le règne de Ferdinand, le régime constitutionnel et le gouvernement de la reine régente, par les afrancesados et les libéraux. Une telle opinion est à nos yeux le contre-pied de la vérité : avant d’entrer dans la longue appréciation des faits, éclairons un instant cette question qui les domine tous.

L’ancienne organisation fédérale de l’Espagne reçut le dernier coup par la guerre de l’indépendance. L’insurrection de 1808 fut le dernier soupir des vieux âges, comme l’émigration avait été chez nous le jet final de la flamme chevaleresque et nobiliaire. Les divers royaumes de la Péninsule, complètement abandonnés à eux-mêmes, retrouvèrent quelques étincelles de vie d’où sortirent les juntes insurrectionnelles provinciales ; mais le mouvement était si visiblement impuissant, que le premier et le plus universel besoin fut celui d’une autorité forte et centrale ; de là, la création de la junte suprême, qui, dominée à son tour par les idées contemporaines, après avoir essayé contre elles une vaine résistance, termina sa carrière par la convocation des cortès de Cadix.

Ainsi l’esprit des temps modernes se fit jour dans les circonstances qui semblaient devoir lui être le moins favorables, et la constitution de 1812 fut le résultat d’un mouvement dans lequel le peuple et le clergé, reprenant la longue alliance des guerres sacrées, exerçaient une héroïque et décisive prépondérance, tant est fatale la loi qui pousse les nations vers des destinées nouvelles, tant il est impossible de ranimer le passé même en mourant pour lui.

Le règne absolu de Ferdinand VII, le régime constitutionnel et le gouvernement mitigé de Christine se sont accordés en ce point qu’ils aspirèrent tous à constituer une Espagne unitaire, soumise à une même législation civile et politique. Sur cette question, l’absolutisme est, dans la Péninsule, du même avis que le libéralisme le plus exalté ; et don Carlos, jurant sous le chêne antique de Guernica les fueros de la Biscaye, devait jouer assez piteusement un rôle qui concorde peu avec l’idée dont il poursuit le triomphe.

Nulle part, si ce n’est dans les quatre provinces basques, ne se révèle un génie vraiment distinct et local en ce qui concerne les vieux politiques. Le type haut et sévère de l’existence aragonaise, tel qu’il resplendit dans les écrits du coroniste Zurita[1], la vie grandiose de la Castille, le génie d’entreprise que la Catalogne dut à son contact avec la race provençale et les nations maritimes, l’esprit vif et démocratique de Valence ; tout cela se confond dans des théories uniformes et des sympathies com-

  1. Historiographe d’Aragon. Zurita fut nommé à ce poste, en 1594, par les états du royaume.