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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/27

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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

nous y rencontrons des contradictions brusques et soudaines, rappelons-nous que, dans la Péninsule, c’est le peuple seul qui est en scène, le peuple qui n’a jamais qu’une idée à la fois.

Le soin de prendre les dispositions nécessaires pour la réunion des cortès fut commis par la junte centrale à une régence de cinq membres que les progrès de l’ennemi contraignirent à s’enfermer dans l’île de Léon, ce boulevart de l’indépendance qui allait devenir le berceau de la liberté castillane, le théâtre de ses essais et de ses fautes.

Cette régence, où dominait la crainte des innovations politiques, ne céda, dans ce qui formait l’objet principal de ses attributions, l’installation du congrès national qu’aux exigences déjà presque menaçantes de l’opinion, et aux représentations de divers députés des juntes provinciales.

Il faut reconnaître, d’ailleurs, qu’à part les répugnances personnelles de plusieurs de ses membres, les difficultés d’une telle matière justifiaient amplement et les hésitations et les retards. Les embarras qu’on éprouva chez nous, lors de la convocation des états-généraux, ne donneraient qu’une faible idée de ceux qui devaient entourer le gouvernement espagnol en ressuscitant une institution qui ne représentait aucune idée précise et applicable à l’époque contemporaine.

Sorties des anciens conciles nationaux qui exercèrent la souveraine puissance sous la monarchie des Goths et les vieux rois de Léon, les cours ou cortès des divers royaumes péninsulaires n’avaient rien de fixe dans leurs attributions, pas plus que dans leurs formes et leurs élémens. Aucun droit incontesté ne se dégageait dans ce dédale, plus propre à exercer la sagacité des érudits qu’à fournir des bases aux hommes politiques.

Les cortès, composées de trois estamentos dans la plupart des provinces de la monarchie, étaient formées dans le royaume d’Aragon de quatre bras, brasos, tandis que chez les nations basques, heureux pays échappé à la domination arabe et au despotisme de Charles-Quint, ces assemblées se présentaient avec une physionomie exclusivement populaire et patriarcale. La confusion la plus complète régnait dans le mode de voter, dans le droit d’élection et dans les attributions politiques. Si celles-ci allèrent d’abord jusqu’au droit de disposer du trône, on sait que ces prérogatives furent successivement restreintes à partir du xve siècle, au point de se réduire, sous les princes autrichiens et français, à un stérile cérémonial, et que, dans les derniers temps, les cortès ne se composaient plus que des trente-sept caballeros procuradores envoyés par certaines villes, avec mission de rendre hommage au prince des Asturies dans une solennelle jura, où leur présence devenait l’accessoire inaperçu des fêtes de cour et des combats de taureaux.

Un seul fait restait acquis à l’Espagne comme titre et gage de liberté :