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c’est qu’elle avait admis les députés des villes au sein des assemblées nationales long-temps avant que la France ne les reçût à ses états-généraux, l’Angleterre à ses parlemens, l’Allemagne à ses diètes[1].

C’était ce fait qu’il s’agissait de régulariser par une application générale. Essayer de ranimer le droit obscur des partidas était une tentative un peu plus vaine encore que celle à laquelle un organe de la presse française s’est intrépidement dévoué : de plus, il fallait songer à la jeune Amérique qui n’avait, elle, à faire valoir ni carias ni fueros, mais dont on ne pouvait espérer de comprimer les mouvemens insurrectionnels que par la plus parfaite égalité et une large diffusion des droits politiques.

La junte centrale conçut la pensée de concilier le principe populaire avec les prérogatives des classes privilégiées, et de renouer aussi la chaîne des temps, œuvre toujours tentée et presque toujours infructueuse. Elle prit, à cet égard, des mesures trop peu connues en Europe, mais qui ne furent suivies ni de sa part, ni de celle de la régence, d’aucun commencement d’exécution.

Le décret primitif de la convocation des cortès portait qu’elles seraient composées des trois estamentos, ecclésiastique, militaire (nobiliaire) et populaire. Il ordonnait l’expédition de lettres convocatoires personnelles à tous les archevêques et évêques, à tous les grands d’Espagne, chefs de famille et âgés de vingt-cinq ans.

Une autre disposition prescrivait un mode d’élection basé sur la population, et qui devait traverser les trois degrés des juntes de paroisse, de canton et de province. À cette représentation devaient être adjoints un député pour chaque ville ayant la prérogative de voto a cortes, et un délégué de chaque junte provinciale. Des dispositions exceptionnelles étaient prises pour celles qu’occupait l’ennemi ; il prescrivait enfin, pour cette fois, à raison des distances, aux Américains résidant dans la Péninsule, d’élire la représentation d’outre-mer établie sur une base entièrement conforme à celle de la Péninsule.

Ce n’est pas sans un profond étonnement qu’on voit les dispositions du décret relatives aux élections scrupuleusement exécutées dans presque toutes les provinces, ici publiquement et avec enthousiasme, là en secret ou dans les courts intervalles laissés par les excursions de l’ennemi, tandis que pas une voix ne s’élève ni dans la presse, ni au sein des corps constitués, ni dans les juntes provinciales, pour réclamer l’admission des prélats et des grands convoqués par la junte centrale.

  1. On voit des députés des villes aux cortès de Léon dès le xiie siècle. À celles de Castille, tenues en 1188, le serment fut prêté par les députés de quarante-huit bourgs. Théorie des cortès, par M. Martinez Marina. Cadix, 1812.