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rection dangereuse pour son repos, et qui a provoqué de bonne heure l’attention du gouvernement.

Nous ne voulons pas nous faire ici l’écho d’accusations passionnées contre des hommes malheureux, et que leurs malheurs rendent accessibles à tous les genres de séductions ; mais il faut reconnaître que ces hommes ont bien imprudemment abusé de l’hospitalité que leur accordait la Suisse, et se sont crus dispensés de tout devoir, non moins envers leur ancienne patrie qu’envers leur patrie adoptive. Les réfugiés n’ignoraient pas, ceux qui n’étaient point compromis dans l’expédition de Savoie, à quelles conditions ils pouvaient tranquillement résider en Suisse, et ceux qui l’étaient, à quelles conditions les puissances voisines fermaient les yeux sur la continuation de leur séjour. Une première fois déjà ils avaient attiré sur la Suisse des menaces, des réclamations, des mesures de blocus, et tout cela sans avantage pour leur propre cause. Cependant, bien loin de profiter de cette expérience, et d’attendre patiemment un meilleur avenir, ils avaient établi, dès 1831, des associations mystérieuses, qui relevaient d’un comité central siégeant à Paris, et qui étaient, ou directement, ou par son intermédiaire, en relation avec les radicaux de tous les pays. Ces associations, dont les institutions locales facilitaient le développement, détruisaient, par le fait, la neutralité de la Suisse, et faisaient de son territoire un foyer de conspirations plus ou moins dangereuses contre les états voisins.

Il est possible que le péril n’ait pas été bien grand, et qu’il y ait eu beaucoup d’exagération dans les craintes de l’Autriche et des puissances allemandes. Mais si les réfugiés n’étaient pas assez forts pour opérer une révolution dans le grand-duché de Bade ou ailleurs ; et s’ils se faisaient à eux-mêmes d’étranges illusions sur leur pouvoir, sur le nombre de leurs partisans, sur les dispositions des pays qu’ils auraient voulu choisir pour théâtres de leurs entreprises, au moins pouvaient-ils inquiéter un gouvernement et remuer quelques populations, comme ils l’avaient fait en 1834 par l’expédition de Savoie. Sous ce rapport, et avec cet exemple devant les yeux, on ne saurait contester aux puissances qui se croient menacées, le droit d’exiger de la Suisse des garanties, et il est certain que les réfugiés ont beaucoup nui, par ce motif, à l’indépen-