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DÉMÊLÉS DE LA FRANCE ET DE LA SUISSE.

qu’un rôle de protecteur ; il n’avait eu que de bons offices à rendre au parti libéral, ce qui donnait un grand poids aux conseils de modération qu’il se trouvait dans le cas de lui adresser. Quelquefois embarrassée vis-à-vis des autres puissances, travaillée par des dissensions intérieures très violentes, et qui la menaçaient même d’un déchirement, la Suisse nouvelle se repliait toujours avantageusement sur la France, qui a certainement bien acquis, par trois années de protection et de bienveillance efficace, le droit de faire écouter ses avis sans inspirer de doutes sur la pureté de ses intentions.

Mais depuis le commencement du démêlé avec Bâle-Campagne, à mesure que la France se trouvait obligée de faire entendre à la Suisse un langage plus sévère, il se formait dans le sein de la confédération un esprit de défiance et d’éloignement qui allait presque jusqu’à l’hostilité. Il faut remarquer aussi que la lutte entre les partis avait changé de caractère et de terrain. L’opposition du parti contraire aux dernières réformes, connu en Suisse sous le nom de parti sarnien, était vaincue ; la ligue de Sarnen, qu’avait menacé l’existence de l’union fédérale helvétique, était dissoute : l’aristocratie bernoise se résignait à la perte de son pouvoir, et, entièrement éloignée des affaires publiques, se contentait de suivre, d’un œil plutôt curieux que jaloux, la marche de ceux qui lui avaient succédé. Il était arrivé en Suisse ce qui arrive toujours après la victoire. Le parti victorieux s’était divisé après son triomphe. Les uns voulaient s’en tenir aux résultats obtenus ; les autres voulaient les développer, les généraliser, les transporter dans les institutions qui n’avaient pas subi de changemens. En un mot, l’opinion radicale faisait irruption dans les conseils helvétiques, et y déclarait la guerre à l’opinion réformiste moins avancée, au nom d’une réforme fédérale, qui substituerait à la souveraineté actuelle et à l’égalité des cantons entre eux, un système représentatif basé sur l’ensemble de la population. Ce serait un retour plus ou moins complet, plus ou moins rapide, à l’essai de république unitaire qui rappelle à la Suisse une des pages les plus funestes de son histoire. Cependant les efforts du radicalisme, auraient pu, jusqu’à un certain point, demeurer indifférens à la France, si l’influence des réfugiés ne leur avait imprimé une di-