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natives de ce règne d’égoïsme et d’imprévoyance, qui fut toujours facile devant la force, inexorable devant la faiblesse ; comme si le prince dont la royauté sortit d’une révolution de palais pour s’abîmer dans une autre, n’avait eu rien dans les veines ni du doux sang de saint Louis, ni du noble sang de Louis XIV.

Les engagemens de Valence devaient être d’autant plus sacrés pour Ferdinand qu’ils avaient été plus libres ; mais ils ne pouvaient convenir au parti qui entendait effacer tout souvenir des six dernières années, et croyait que les idées se fusillent comme les hommes. Ces promesses semblaient respecter, en effet, le principe d’une réforme politique, en n’en repoussant que l’excès ; et c’était ce principe même que prétendait atteindre la faction pour laquelle il n’était aucun enseignement ni dans la crise européenne, ni dans celle de l’Amérique.

Fidèle au passé comme à un culte, et, à l’exemple des dévots de l’Inde, honorant son idole en raison même de ses difformités, elle ne comprenait l’Espagne qu’avec les trésors du Mexique pour faire vivre la cour, les aumônes des couvens pour faire vivre le peuple, l’inquisition pour maintenir les esprits novateurs, les innombrables rouages du vieux gouvernement pour ralentir son action en lui rendant tout impossible. Merveilleuse organisation à laquelle, au commencement du siècle, l’influence française avait failli faire échapper le royaume, et que la réaction de 1814 permettait de rétablir dans sa pureté originelle. Point d’administration, point de finances, point de crédit, point de commerce, point ou peu d’agriculture ; les galions, les mayorasgos, la mesta, l’inquisition et la contrebande, tel avait été le régime de l’Espagne, tel par conséquent il devait être.

Pour cela, deux choses seulement étaient à faire : d’abord reconquérir l’Amérique, sans les trésors de laquelle le système entier croulait par sa base, puis chasser de la Péninsule ou ensevelir dans les prisons tous les hommes qui, soit dans la législature, soit au dehors, avaient provoqué les derniers changemens, et dresser la potence sur la place de la Cebada, pour y accrocher quiconque oserait rappeler qu’une immense révolution politique avait été consommée.

Cela fait, les colonies ramenées à l’obéissance, l’Espagne délivrée de tous les afrancescados, liberales, constitutionnels, industriels, administrateurs et financiers, les choses devaient reprendre leur cours avec la plus grande régularité ; et l’on verrait alors ce que peut l’énergie d’un gouvernement qui aborde de front les obstacles : raisonnement à l’usage de tous les fanatismes, qui aboutit à fonder l’ordre public sur le massacre ou la proscription de tous les gens qui ne sont pas de notre avis, et dont la stoïque Montagne avait fait aussi l’application.

Ce système fut suivi avec l’aveugle obstination que ce parti appelle de la