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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/397

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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

plus difficiles, car si, à Paris comme à Madrid, les gouvernemens désiraient encore la paix, deux partis opposés désiraient ardemment la guerre, la guerre nécessaire à l’un pour saisir le pouvoir, à l’autre pour le reprendre. Enfin, pour faire face aux dangers du moment et à ceux de l’avenir, le ministère s’appuyait sur un roi, dont le cœur était aussi incapable de reconnaissance que la volonté de décision, et qui, aux premiers succès éclatans des hommes de la foi ou des clubistes, l’eût livré avec bonheur aux uns, et sans nulle résistance aux autres.

Placé dans cette terrible alternative, le cabinet eut d’abord à lutter contre une manœuvre dont les hommes de 1835 n’ont su se montrer que les plagiaires, car, dans la Péninsule, la série de tous les désordres semble depuis long-temps parcourue, et les vieux partis peuvent lire leurs destinées dans leur histoire. On vit alors s’organiser contre le pouvoir ces juntes locales d’insurrection, devenues aujourd’hui comme un rouage habituel du gouvernement de l’Espagne.

Un commandant militaire et un chef politique venaient d’être désignés pour Cadix et pour Séville. Ces choix donnaient des garanties incontestées à l’opinion libérale ; mais ils étaient contresignés par des ministres « qui n’avaient pas la confiance de la nation. » Dès-lors rien de plus héroïque qu’une résistance à coups de fusil, dont le pacte fut signé inter pocula dans tous les cafés de l’Andalousie. On fit serment, peut-être sur la pierre de la constitution, de « mourir plutôt que de se soumettre à une oppression aussi atroce. » Les autorités révoquées, ayant elles-mêmes fermé les portes à leurs successeurs, furent déclarées pour ce fait des modèles de patriotisme ; et dès cette époque, le lien social était si relâché, que la résistance ne s’organisa nulle part contre une aussi insolente tentative. Carthagène, Murcie, Valence, la plupart des cités méridionales, envoyèrent des députés à Cadix pour préparer une organisation et des moyens de défense. Barcelonne même, passant des horreurs de la contagion à celles de l’anarchie, s’insurgea contre son capitaine-général ; soldats et citoyens, aux sons de l’hymne de Riégo, signèrent une pétition pour exiger le renvoi d’un ministère, dernière garantie de l’Espagne contre l’étranger et contre elle-même. Alors une junte d’insurgés déclara les provinces confédérées dégagées de tout lien envers le gouvernement central, tant qu’il n’aurait pas été fait droit aux justes plaintes des peuples par le renvoi d’un ministère odieux[1]. À cette condition principale venaient s’en joindre quelques autres, comme destitution et incarcération des suspects, prompt jugement des coupables, immédiate exécution des condamnés : bagatelles qui sont les épingles ordinaires de tous les marchés proposés

  1. Déclaration de la junte de Cadix du 17 décembre 1821.