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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/470

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REVUE DES DEUX MONDES.

l’Évangile et du nom de Jésus-Christ contre les riches et les puissans, l’abbé de La Mennais le renvoie à Diderot et à Babœuf, et termine ainsi : « Les passions les plus exaltées se joignant à tant de causes de désordre, personne ne peut dire quels destins Dieu réserve à la société. Les doctrines religieuses, morales et politiques, les lois et les institutions qu’elles avaient consacrées, formaient comme un vaste édifice, demeure commune de la grande famille européenne. On a mis le feu à cet édifice. Les peuples s’entreregardent à la lueur de l’incendie, et, agités d’un sentiment inconnu, attendent avec anxiété un avenir plus inconnu encore. » Il combat tour à tour et en toute occasion le Globe, les éclectiques, les doctrinaires ; il réfute et malmène les gallicans, M. Frayssinous, l’archevêque de Paris lui-même à qui il cite De Maistre ; il met en groupe tous ceux qu’il appelle les hommes d’entre-deux et qu’il a depuis enjambés. S’il déclare en 1829 une révolution imminente, usant de termes presque prophétiques, ce n’est pas du tout qu’il accuse la tendance jésuitique de la cour et cette faveur impopulaire accordée au clergé ; c’est au contraire parce que le ministère Martignac est venu et que M. Feutrier a fait contre les jésuites les ordonnances du 21 avril et du 16 juin, c’est parce que M. de Vatimesnil poursuit ses persécutions contre l’église. La Ligue, cette époque trop peu connue, est au long célébrée. Si l’on poussait aux conclusions rigoureuses de ce beau pamphlet de 1829, on irait droit à des ordonnances un peu différentes de celles de M. de Polignac, mais à des ordonnances. Voilà ce qui, avec une admirable force de logique, une grande chaleur d’imagination et une pratique continuelle et courageuse de liberté que s’arrogeait l’écrivain à titre de prêtre, voilà ce qui, pour toute mémoire qui n’est pas oblitérée, marque le rôle de M. de La Mennais jusqu’en juillet 1830.

Juillet éclate, et l’abîme est franchi. Le grand cœur de M. de La Mennais redouble de flammes, mais il semble que son esprit s’est éclairé dans l’orage. Prêtre austère, ame de génie, il a gardé sous ses cheveux gris tous ses trésors de foi et de jeunesse. Il a dépouillé d’un coup ses préjugés politiques, non inhérens à la vraie foi. Sincèrement il conçoit l’idée d’une régénération spirituelle et religieuse moyennant la liberté, et las de crier aux puissans, il lui paraît que c’est avec une autre prédication qu’il faut désormais réveiller, spiritualiser et christianiser le monde. Il y avait