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divin ? Quand on voit cette chute commune du peuple en même temps que du chef, ne devient-il pas de la dernière évidence que le peuple et le chef relevaient d’un même principe, puisque ce qui faisait périr l’un faisait en même temps périr l’autre ?

Les cent-jours furent un effort de la France pour reconquérir la possession d’elle-même qui venait de lui être enlevée par l’étranger. Elle courut au-devant de Napoléon parce qu’il était, comme les trois couleurs, le symbole, non de la liberté, mais de l’indépendance nationale. Quand l’ennemi feignit de séparer la cause d’un homme de celle du pays, ce fut une ruse de guerre fort légitime. Mais que des esprits sincères se soient laissé abuser par ce stratagème, ce sera l’étonnement de l’avenir. Il se trouva une assemblée politique qui crut que la cause de la guerre entre la France et l’Europe n’était rien autre qu’un homme ; elle le sacrifia. Qu’arriva-t-il ? la révolution fut faite prisonnière de guerre, et défila, les pieds nus et les mains liées, pendant quinze ans, sous le drapeau de l’invasion.

Ce qui distingue la restauration française de la plupart de celles dont l’histoire fait mention, et ce qui fit son malheur, c’est qu’elle fut, non le résultat de la guerre civile, mais le produit de la conquête étrangère. La France lui fut livrée, non comme une nation douée de libre arbitre, mais comme une chose destituée de volonté, comme un butin fait dans la bataille. De là, la restauration fut parfaitement conséquente en déniant, dès l’origine, toute espèce de droit à ce caput mortuum. Elle pouvait lui faire l’octroi, la concession d’une loi ; mais il impliquait contradiction de reconnaître un droit indépendant au cadavre d’un état tombé captif entre ses mains. Il n’y eut point de capitulation entre la France et la restauration. Non ; la révolution fut prise d’assaut et rendue à discrétion armes et bagages. Dans le pillage de la fortune de la France, la révolution fut estimée chose de bonne prise, et adjugée, comme telle, à la restauration. Voilà les faits réduits à leur expression la plus simple. Ainsi, la prise de possession du royaume, dans le préambule de la Charte, laquelle étonna si fort les publicistes, n’était pas autre chose au fond que la reconnaissance littérale des faits. Par prudence, le vainqueur pouvait octroyer des franchises au vaincu ; celui-ci n’avait rien autre chose à réclamer ; il appartenait, par droit de conquête, au bon plaisir du maître. Aucun échange d’obligation véritable ne pouvait s’établir entre celui qui n’avait que des droits, et