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son serviteur et à Israël son bien-aimé ; après cela il a été vu sur la terre et il a vécu avec les hommes. Sur ce qu’il est né d’une vierge, écoute pareillement ton prophète lorsqu’il dit : Voici qu’une vierge concevra et qu’elle enfantera un fils à qui l’on donnera le nom d’Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. Et sur ce qu’il devait être battu de verges, percé de clous et soumis à d’autres peines ignominieuses, un autre prophète a dit : Ils ont percé mes mains et mes pieds, et ils se sont partagé mes vêtemens. Et encore : Ils m’ont donné du fiel pour ma nourriture, et dans ma soif ils m’ont abreuvé de vinaigre[1]. »

« — Mais, répliqua le juif, qu’est-ce qui obligeait Dieu à souffrir de pareilles choses ? » L’évêque put voir à cette demande qu’il avait été peu compris, et peut-être mal écouté ; cependant il reprit, sans témoigner aucune impatience[2] : « Je te l’ai déjà dit ; Dieu créa l’homme innocent, mais, circonvenu par les ruses du serpent, l’homme prévariqua contre l’ordre de Dieu, et pour cette faute, expulsé du séjour du paradis, il fut assujetti aux labeurs de ce monde. C’est par la mort du Christ, fils unique de Dieu, qu’il a été réconcilié avec le père[3].

— Mais, répliqua encore le juif, est-ce que Dieu ne pouvait pas envoyer des prophètes ou des apôtres pour ramener l’homme dans la voie du salut, sans que lui-même s’humiliât jusqu’à être fait chair[4] ? » L’évêque, toujours calme et grave, répondit : « Le genre humain n’a cessé de pécher dès le commencement : ni l’inondation du déluge, ni l’incendie de Sodôme, ni les plaies de l’Égypte, ni le miracle qui a ouvert les eaux de la mer Rouge et celles du Jourdain, rien de tout cela n’a pu l’effrayer. Il a toujours résisté à la loi de Dieu, il n’a point cru les prophètes, et non-seulement il n’a point cru, mais il a mis à mort ceux qui venaient lui prêcher la pénitence. Ainsi donc, si Dieu lui-même

  1. Igitur quod homo futurus esset, audi prophetam tuum… Quod autem de Virgine nascitur audi similiter prophetam tuum dicentem. (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 267. —Baruch, 3-36-37-38. — Isaïe, 7-14. — Psal., 21-17. — Psal., 68-22.
  2. Judæus respondit : Quæ Deo fuit necessitas, ut ista pateretur ? Cui ego… (Greg. Turon. Hist. lib. vi, pag. 268.)
  3. Jam dixi tibi, Deus hominem creavit innoxium, sed astu serpentis circumventus… (Ibid.)
  4. Non poterat Deus mittere prophetas aut apostolos, qui eum ad viam revocarent salutis, nisi ipse humiliatus fuisset in carne ? (Ibid.)