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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/527

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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

n’était descendu pour le racheter, nul autre n’eût pu accomplir l’œuvre de cette rédemption[1]. Nous avons été régénérés par sa naissance, lavés par son baptême, guéris par ses blessures, relevés par sa résurrection, glorifiés par son ascension, et pour nous faire entendre qu’il devait venir apportant le remède à nos maux, un de tes prophètes a dit : Nous sommes redevenus sains par ses meurtrissures. Et ailleurs : Il portera nos péchés, et il priera pour les violateurs de la loi. Et encore : Il sera mené à la mort comme une brebis qu’on va égorger ; il demeurera en silence sans ouvrir la bouche, comme l’agneau est muet devant celui qui le tond ; il est mort dans les douleurs, condamné par jugement. Qui racontera sa génération ? Son nom est le Seigneur des armées. Jacob lui-même, de qui tu te vantes d’être issu, bénissant son fils Juda, lui dit comme s’il eût parlé au Christ, fils de Dieu : Les enfans de votre père vous adoreront. Juda est un jeune lion ; vous vous êtes levé, mon fils, pour aller à la proie, et vous vous êtes couché pour dormir comme un lion ; qui osera le réveiller[2] ?… »

Ces discours, logiquement peu suivis, mais empreints, dans leur désordre, d’un certain caractère de grandeur, ne produisirent aucun effet sur l’esprit du juif Priscus. Il cessa de soutenir la dispute, nais sans se montrer aucunement ébranlé dans sa croyance[3]. Quand le roi vit qu’il se taisait de l’air d’un homme qui ne veut rien céder, il se tourna vers l’évêque de Tours et dit : « Saint prêtre, que ce malheureux se passe de ta bénédiction, moi je te dirai ce que Jacob disait à l’ange avec lequel il s’entretenait : Je ne vous laisserai point aller que vous ne m’ayez béni[4]. » Après ces paroles, qui ne manquaient ni de grâce ni de dignité, Hilperik demanda de l’eau pour que l’évêque et lui se lavassent

  1. Ad hæc ego : A principio genus semper deliquit humanum, quem nunquam terruit nec submersio diluvii, nec incendium Sodomæ, nec plagæ Egypti… (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 268.)
  2. Quod autem morbis nostris mederi venturus erat, propheta tuus ait… De hoc et Jacob ille, de cujus te jactas venisse generatione, in illa filii sui Judæ benedictione, quasi ad ipsum Christum Filium Dei loquens, ait… (Ibid.) — Isaïe, 53-5. — Ibid., 12. — Ibid., 7-8. — Ibid., 54-5. — Genes., 49, 8 et 9. — Ibid., 12.
  3. Hæc et alia nobis dicentibus, nunquam compunctus est miser ad credendum. (Gregorii Turon., Hist. lib. vi, pag. 268.)
  4. Tunc rex silente illo, cùm videret eum his sermonibus non compungi, ad me conversus, postulat ut accepta benedictione discederet, ait enim : Dicam, inquit, tibi, ô sacerdos, quod Jacob dixit ad Angelum… (Ibid.Genes., 32-26).