plaisir, et presque un devoir d’en signaler les résultats, de les arracher des hauteurs ténébreuses où s’élabore la science loin des regards profanes, et de les montrer à tous dégagés de l’appareil mystérieux qui les enveloppe. Comme il faut un drogman aux Orientaux pour se faire entendre des Européens, il en faut un aux orientalistes pour communiquer avec le public ; je m’efforcerai d’être ce drogman.
Le vaste et mystérieux Orient sollicite et attire à lui de plus en plus les intelligences. Il semble que de nos jours l’esprit européen se sente à l’étroit sur ce terrain de l’Occident, où sans doute il reste beaucoup d’aspects à découvrir, mais dont on a fait le tour, dont on a remué tout le sol, et battu tous les sentiers. À mesure qu’on s’est élevé à considérer les destinées humaines dans leur ensemble, il est devenu impossible de se contenter de cette histoire universelle dont le théâtre n’est pas le tiers du monde, de cette histoire ancienne qui commence au moment où s’achèvent les destinées des empires d’Orient. On s’est senti pris du besoin de remonter le courant du grand fleuve humain ; on s’est mis en marche comme Alexandre, suivant les traditions musulmanes, pour aller voir le lieu où le soleil se lève.
En effet, tout conduit vers l’Orient, parce que tout en vient : l’homme et le soleil, les langues et les peuples, les religions et les philosophies, les contes populaires et les traditions sacrées, les objets précieux et les fléaux. Vous occupez-vous de l’antiquité classique, il se trouve que la langue grecque et la langue latine ont une sœur aînée sur les bords du Gange. Étudiez-vous la mythologie d’Homère et de Virgile, vous êtes conduits à examiner la question de l’origine orientale de ces mythologies. Vous enfoncez-vous dans les antiquités germaniques, là encore, dans la grammaire des Islandais ou des Goths, dans la cosmogonie scandinave, dans l’épopée allemande, vous trouvez d’incontestables analogies avec la Perse ou avec l’Inde ; vous êtes rejetés des bords du Danube et de la Baltique au centre de l’Asie. Vous livrez-vous à la recherche des antiquités chrétiennes, il faut remonter au-delà, il faut connaître le judaïsme duquel le christianisme est sorti ; il faut comparer le développement religieux qui a produit la civilisation de l’Europe, avec d’autres développemens religieux plus anciens et aussi considérables, qui ont produit, à l’autre extrémité du