et douce, un peu cousine de celle qui a trouvé le ravissant duo de Faust, dont nous parlions tout-à-l’heure. La marche des soldats ne manque ni de franchise ni de caractère. Le chœur des femmes du peuple, qui ouvre le second acte, nous semble un des plus jolis morceaux de la partition. C’est là une musique chaude, vive, animée et pétulante ; en entendant ces voix qui s’interrogent et se répondent et se groupent ensemble d’une si curieuse manière, on se rappelle involontairement la scène du marché, dans la Muette de Portici. Remarquez bien que nous ne prétendons pas dire le moins du monde que Mlle Bertin ait imité M. Auber : ces deux compositions charmantes ne se ressemblent que par les beaux côtés, la verve, l’entraînement, le choix de la mélodie et la variété de l’expression. Par malheur, ici encore, la rapidité avec laquelle les mouvemens se succèdent compromet tout. Vraiment, on ne peut s’expliquer cette inquiétude continuelle qui travaille la pensée de Mlle Bertin, et la fait ainsi bondir en sursaut, d’un mouvement où elle semblait devoir se complaire, dans un autre que rien de sage ne justifie, et qui n’a sa loi d’être que dans le pur caprice de l’auteur. Avec des idées peut-être moins originales, M. Auber l’emporte cette fois sur Mlle Bertin. Le chœur de la Muette est fait avec un seul motif, fort ingénieusement mis en œuvre, à la vérité ; on en compte au moins quatre dans celui de la Esmeralda. La foule qui, d’ordinaire, apporte quelque lenteur dans l’appréciation des œuvres sérieuses, ne peut aimer une musique qui s’interrompt ainsi à tout moment ; bien plus, ses bonnes dispositions finissent par se changer en humeur chagrine et en malveillance, lorsqu’elle voit clairement que c’est chez l’auteur un parti pris de lutter avec tout ce qu’elle affectionne, d’étouffer un motif agréable, par cette seule raison qu’il peut lui arriver de plaire à tout le monde, et d’avoir ainsi quelque chose de commun avec les mélodies de Mozart et de Rossini. L’air de Phoebus est une aimable cantilène ; et la première partie du finale exhale une fraîcheur, une mélancolie allemande, qui vous font penser à l’Euryanthe de Weber.
Le chœur des soldats qui boivent, le chant du couvre-feu, et le duo qui suit, nous paraissent trois morceaux conçus dans le système aujourd’hui suranné, de la couleur locale et du caractère. Mlle Bertin est tombée ici dans le piége continuel que lui tendait son poète. Il faut que M. Hugo ait une persévérance plus dure que l’a-