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cependant que de visage. Ils sont plus grands que les Maures, plus agiles, et ne s’énervent pas comme eux dans les honteuses langueurs d’une indolence éternelle. Leur costume est le haïk blanc ; ils portent les cheveux courts et ceints d’une longue bandelette. Peu font usage du turban, et ils aiment mieux aller pieds nus que de porter des sandales. Ils parlent l’arabe du Coran dans sa pureté primitive, du moins ils s’en vantent ; et nul peuple n’a conservé plus intactes les antiques coutumes. À l’exception de la religion, leurs mœurs sont aujourd’hui ce qu’elles étaient du temps de Job.

Ils sont restés fidèles à cette vie pastorale qui convient à leurs plaines sans bornes, à leurs journées brûlantes, à leurs nuits sereines. Ils vont de campagne en campagne, conduisant avec eux leurs chameaux et les troupeaux qui font toute leur richesse. Ils choisissent d’ordinaire, pour leur résidence passagère, ou les bords d’un ruisseau, ou la source d’un fleuve, ou le voisinage d’un sanctuaire. C’est dans ces lieux frais et sacrés qu’ils dressent de préférence leurs tentes et leurs cabanes. Quand le pâturage, épuisé, ne suffit plus à la nourriture des troupeaux, on lève le camp, on part, on va chercher plus loin l’herbe nourrissante et les eaux limpides. L’amour de l’indépendance et de la vie nomade est tellement dans la nature des Arabes, que rien n’a jamais pu les décider à se fixer dans les villes, ni à bâtir des villages. Ils ont si peu de besoins qu’ils trouvent partout à les satisfaire ; pythagoriciens par goût, ils recherchent peu la chair des animaux, et leur frugalité est passée en proverbe. Le lait et la toison de leurs troupeaux suffisent à ces générations vagabondes : le cheval et la chasse sont leurs plus doux plaisirs. Les femmes participent aux travaux de la communauté : elles élèvent des abeilles et des vers-à-soie ; elles filent la laine qui sert à vêtir la famille et la toile dont on fait la tente. Fraîches et belles dans les premiers jours de l’adolescence, elles perdent de bonne heure leur éclat : le labeur flétrit vite la fleur de leur beauté. D’une année à l’autre, elles sont méconnaissables ; elles sont vieilles avant vingt ans.

Telle est encore, de nos jours, la vie de ces tribus champêtres. On a peine à se figurer que ce soient là des conquérans. Pourtant les instincts guerriers ne sont pas morts dans ces cœurs simples ; ils peuvent sommeiller par momens, mais ils se réveillent au besoin plus puissans, plus forts ; la vie errante les nourrit et les exalte,