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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

Pourtant, en général, dans Arthur, le cœur est de beaucoup plus fort que la raison, que la pensée ; celle-ci, en maint endroit, est exclusive, dédaigneuse, aristocratique, légère, prenant trop ses répugnances ou ses affections pour la règle du possible, pour la mesure du vrai. Il y a évidemment réaction chez l’auteur ; il ne sait pas tenir en présence, en échec, une idée avec une autre idée qu’il s’agit, non d’anéantir, mais de modifier, de réconcilier. Il penche tout d’un côté. C’est donc le cœur qu’il faut demander chez Arthur et que nous y louerons sans réserve comme plein d’aspirations adorables.

Ainsi, dans la seconde partie, lorsque Arthur, après un court éloignement, après cette rencontre si mémorable et si simple du vieillard sous les oliviers près d’Avignon, revient à sa terre, l’embellit, s’ouvre de toutes parts à travers sa forêt, comme à travers ses souvenirs, des perspectives vers le ciel, et remercie à genoux l’auteur de ces biens ; lorsqu’il nous donne le journal de ses promenades, l’extrait de ses lectures, comme un bouquet champêtre assorti pour la parure de l’autel le jour de la fête de la patronne ; lorsqu’il nous raconte un des derniers jours d’octobre, ou sa belle cathédrale de Rouen, ou le salut de la Sainte-Catherine, ou le gazon frais des calvaires, l’effusion abonde, la charité coule par ses lèvres, se répand sur tous, et l’éternel christianisme des ames tendres rajeunit et multiplie ses plus chers accens. Je donne au long un seul de ces chapitres affectueux

UN DES DERNIERS JOURS D’OCTOBRE.

— Me voici depuis quelques jours occupé du défrichement d’une portion de terre hérissée de ronces et de buissons, sur laquelle je rêve déjà des pommiers et des cerisiers en fleurs, une herbe fraîche et ces tranquilles marguerites, comme les appelle Obermann dans une de ses bonnes inspirations.

La beauté des derniers jours de l’automne favorise ce travail difficile, et diminue de quelque chose la fatigue des terrassiers, que, du reste, je n’entends jamais murmurer, ni se plaindre.

La plupart se lèvent avant le jour, pour arriver à l’heure où commence le travail. Une distance assez longue les sépare de mon habitation ; des chemins toujours difficiles et souvent impraticables, qu’il faut reprendre le soir après de rudes fatigues. Plu-