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tine. Térésa est la fille d’un autre prisonnier de Fenestrelle qui amuse de son côté ses loisirs de captif en attrapant des mouches, d’où lui vient le sobriquet d’attrapeur de mouches. Térésa, en regardant à travers la grille du cachot de son père dans le préau, a surpris le secret des amours de Charney et de Picciola. Ce sentiment délicat l’a profondément touchée. Elle se charge de la pétition et rapporte bientôt à Fenestrelle la grace octroyée. Il était temps. Picciola n’avait plus que le souffle. Le pavé qui la comprimait retiré, elle respire et revient à la vie. Que ne mourait-elle de sa blessure ! Les deux prisonniers ont obtenu la faveur de se réunir dans le préau et d’y recevoir Térésa. De là l’origine de la catastrophe définitive qui menace dès à présent Picciola. Tandis que, dans ces réunions du préau, l’attrapeur de mouches, très bon catholique et très beau diseur, sermonne longuement l’athéisme de son compagnon de captivité, l’ingrat Charney n’a plus qu’une attention distraite pour sa plante bien-aimée d’autrefois, il s’enivre des regards de Térésa. Ici nous devons reconnaître que M. Saintine a fort ingénieusement amené cette infidélité. En romancier orthodoxe, il avait besoin d’un mariage. Malgré toute sa bonne volonté d’être original, pouvait-il humainement marier son héros avec Picciola ? Nous touchons à la conclusion. L’empereur a compris que des conspirateurs botanistes et attrapeurs de mouches ne sont pas dangereux pour le repos de l’empire. La porte de Fenestrelle leur est ouverte. Charney, rendu à la liberté et converti, épouse Térésa. Et Picciola ? Oh ! Picciola, on la traite honorablement ; on la comble d’égards. Les nouveaux mariés l’emportent à leur campagne dans une belle caisse. Mais songe-t-on à tout pendant qu’on savoure les délices de la lune de miel ? La pauvre Picciola, qu’on oublie, meurt dans sa belle caisse faute d’être arrosée. Si vous ne pleurez pas à ce dénouement, ce n’est pas la faute de M. Saintine. Il vous a donné une héroïne extraordinaire, innocente, abandonnée, victime de l’ingratitude. Que voulez-vous de plus ? Il a fait ce qu’il a pu.

Sérieusement, il se peut que nous nous trompions ; mais, à notre avis, Picciola n’est qu’un jeu d’esprit puéril. Ce sujet eût inspiré peut-être à M. Xavier de Maistre un charmant chapitre de sensibilité fine et maniérée. Avec toutes les merveilleuses ressources de sa fantaisie, Sterne lui même eût-il osé, comme M. Saintine, écrire sur ce texte les cinq cents pages d’un in-octavo ? Nous ne le pensons pas.

C’est un joli titre et fort attrayant que celui d’une Fée de salon ; mais nous n’en savons pas de plus décevant. Vainement avons-nous cherché par tous les recoins du roman de M. Arnould Fremy cette fée de salon promise, nous n’en avons découvert nul vestige. Prenons donc qu’elle n’était que pour l’étiquette, et vérifions le contenu du livre.