Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/776

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
772
REVUE DES DEUX MONDES.

mettant un terme à une solidarité fâcheuse. On peut oublier son alliance momentanée avec M. Guizot, s’il la fait suivre d’une combinaison moins antipathique au pays.

La pierre de touche pour M. Molé n’est-elle pas cette faiblesse toujours croissante que tous les efforts de M. Guizot ne peuvent déguiser ? Non-seulement M. Guizot n’ose pas disputer la présidence à M. Dupin qu’il aime peu, qu’il traite assez cavalièrement avec ses familiers ; mais il souscrit encore à la vice-présidence de MM. Passy, Pelet et Calmon : il n’a d’autre candidat à lui que M. Benjamin Delessert, banquier fort honorable, mais président malencontreux et qui s’enfuit un jour son chapeau à la main d’une séance qu’il ne pouvait parvenir à diriger et à calmer. La vice-présidence de M. Delessert a pris place parmi les souvenirs les moins sérieux de la chambre. La majorité ministérielle, si tant est qu’elle existe, pourra-t-elle résister long-temps au choc des quatre oppositions ? L’extrême gauche, l’extrême droite, le parti de M. Odilon Barot, le centre gauche, forment ensemble plus de 200 voix que des défections peuvent grossir encore. N’oublions pas que la chambre connaît toutes les défiances qu’elle inspire à M. Guizot et à ses amis : elle n’ignore pas les travaux incessans qui se font à l’intérieur pour faire face à une réélection générale que le ministre caresse toujours dans son esprit. La chambre sera peu tentée de prêter son appui aux doctrinaires ; elle sait comment elle en serait récompensée, une fois le budget obtenu. La chambre a fait son temps, a dit M. Guizot ; il en faut une autre. Il est probable que la majorité pensera que ce n’est pas elle qui a fait son temps, mais le ministre de la résistance quand même, et elle ne tardera pas à trouver une question qui soit pour l’administration actuelle un inévitable écueil.

Quand même, sur l’intervention ou la coopération espagnole, la chambre hésiterait et n’imposerait pas une politique décidée, dont, selon nous, le principe était juste et le succès certain, il faudra bien que sur d’autres points elle témoigne de ses tendances et de ses sympathies, qu’elle montre si elle veut aller au centre droit ou au centre gauche. La seule question de la conversion des rentes suffirait à embarrasser mortellement M. Guizot. La chambre s’est engagée à vider cette question en 1837, et M. Guizot s’est retiré au 22 février pour ne pas opérer cette conversion. Le ministre de l’instruction publique trouvera défiance et hésitation sur bien des points, même dans le centre ministériel. Que de fonctionnaires, déconcertés dans leurs habitudes, se demanderont s’il est bien prudent de prêter un appui persévérant à un homme qui est ouvertement l’ennemi politique de M. de Montalivet et de M. Thiers. Est-ce que M. de Montalivet n’est plus un homme sûr ? demandait ironiquement un député à M. Gui-