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Cuvier et ses contemporains, tous imbus des mêmes idées que lui, tous travaillant, même ceux qui devaient par la suite s’en écarter le plus, dans la même direction, avaient multiplié à l’infini le nombre des faits, et complété en quelque sorte la période d’observation : il était temps que vînt celle de généralisation. De là l’école philosophique qui compte aujourd’hui dans ses rangs presque tous les zoologistes éminens de l’Europe, principalement de la France et de l’Allemagne.

Sans doute ni M. Geoffroy Saint-Hilaire en France, ni les illustres philosophes allemands, Gœthe par exemple, qui ont marché presque aussitôt que lui dans les mêmes voies, ne sont les premiers qui aient considéré la science des animaux sous un point de vue philosophique. Dès le xviiie siècle, Buffon, Vicq-d’Azyr et d’autres encore ; dès le xviie, Harvey, et bien long-temps avant eux tous, Aristote, avaient émis, et nous avons eu le soin de constater plus haut ces exceptions si glorieuses pour leurs auteurs, des idées plus ou moins explicites et plus ou moins larges, soit sur la zoologie philosophique proprement dite, soit même sur la philosophie anatomique. La doctrine de l’unité de composition, en particulier, a reparu si souvent à toutes les époques de la science, qu’il est presque vrai de dire qu’elle n’a jamais cessé d’avoir des partisans. Mais la différence est grande entre tous les travaux antérieurs à 1807 et ceux dont M. Geoffroy Saint-Hilaire commença alors la longue série. Ceux-ci étaient entrepris dans le but formel et explicite de parvenir, par de longues et pénibles recherches, à une expression nouvelle des caractères généraux des êtres. Dans les travaux antérieurs au contraire, au moins en ce qui concerne la philosophie anatomique, si des rapports d’une haute portée sont quelquefois trouvés, jamais ils ne sont ni cherchés par des efforts spécialement dirigés vers leur découverte, ni, par suite, rigoureusement et scientifiquement démontrés. Le plus souvent c’est une idée grande et féconde qui surgit, à l’occasion d’un fait remarquable, dans l’esprit d’un penseur profond, et qui est saisie avec le même empressement qu’un observateur ordinaire eût mis à la repousser comme une vaine hypothèse.

Aussi quelle différence immense dans les résultats obtenus ! Dans tous les siècles précédens réunis ensemble, quelques idées admirables, mais incomplètes, sans bases positives, sans preuves,