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et dans ses ciels la divine transparence des ciels de Claude Lorrain. Cet artiste n’a exposé cette année qu’une Vue de la route de Rome à Naples, qui nous a paru juste et belle. Ses premiers plans sont toutefois un peu mous et lâchés. De M. Bodinier, la transition est facile aux peintres qui, sans perdre de vue l’idéal, se renferment davantage dans l’imitation de la nature. Ainsi M. Cabat vient naturellement se placer sous notre plume. M. Cabat, bien que tourné vers le Nord, ne croit pas que le moindre coin de mur soit la beauté absolue ; et, comme les maîtres du paysage, il choisit ses endroits. Ordinairement, ce sont de fines et verdoyantes prairies, des chaumières avec des treilles sous lesquelles causent des buveurs en la saison des blés, ou des nageurs au coin d’un canal, et tout cela touché avec une grace parfaite. Quelquefois il s’élève à l’idéal, à l’expression de la solitude et de la mélancolie ; une pauvre femme engourdie par le froid et couchée dans une clairière lui suffit pour composer un tableau, et il réussit presque toujours à nous communiquer le sentiment qui l’anime. Ce n’est pas qu’il soit sans défaut ; souvent sa main trop habile lui fait perdre de sa naïveté, et il rend alors la nature avec exagération ; mais nous le jugeons trop amoureux de ses belles formes pour qu’il reste dans de fausses voies. Dans les deux vues qu’il a exposées cette année, celle prise dans le département de l’Indre remet en mémoire le Buisson de Ruysdaël. Elle ne nous paraît pas indigne du souvenir, et nous désirons que M. Cabat, suivant l’exemple du grand maître, s’approche de plus en plus de son divin modèle, la nature.

Parmi les artistes qui cultivent le paysage avec un sentiment non moins remarquable, nous citerons M. Jadin, qui modèle ses terrains avec tant de fermeté ; M. Flers, dont les charmantes prairies bordées de saules verts, et les basses-cours de Normandie où passe un rayon de soleil, sont présentes à toutes les mémoires ; M. Jules André, dont les lointains si fins et si légers, dont les premiers plans si précis et si vrais sont éclairés d’une lumière si harmonieuse ; puis, M. Giroux, dont la touche est si pleine d’effet et de science. Certes, il a fallu une merveilleuse habileté pour bien mener à fin une toile aussi vaste et aussi remplie que celle que ce dernier a exposée à nos regards. Cette scène des glaciers du Dauphiné, cette vue de la Cascade du Bout-du-Monde est très naturellement prise et très fortement rendue. Les eaux sont d’une