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dire qu’ils avaient été brûlés, lui qui craignait, s’il était brûlé, de n’avoir pas assez de force et de patience, il était prêt à confesser et jurer par crainte, devant les commissaires ou autres, toutes les erreurs imputées à l’ordre, à dire même, si l’on voulait, qu’il avait tué Notre-Seigneur… Il suppliait et conjurait lesdits commissaires et nous, notaires présens, de ne point révéler aux gens du roi ce qu’il venait de dire, craignant, disait-il, que s’ils en avaient connaissance, il ne fût livré au même supplice que les cinquante-quatre templiers… — Les commissaires, voyant le péril qui menaçait les déposans s’ils continuaient à les entendre pendant cette terreur, et mus encore par d’autres causes, résolurent de surseoir pour le présent. »

La commission semble avoir été émue de cette scène terrible. Quoique affaiblie par la désertion de son président, l’archevêque de Narbonne, et de l’évêque de Bayeux, qui ne venaient plus aux séances, elle essaya de sauver, s’il en était encore temps, les trois principaux défenseurs.

« Le lundi 18 mai, les commissaires pontificaux chargèrent le prévôt de l’église de Poitiers et l’archidiacre d’Orléans d’aller trouver de leur part le vénérable père en Dieu, le seigneur archevêque de Sens et ses suffragans, pour réclamer les défenseurs, Pierre de Boulogne, Guillaume de Chambonnet et Bertrand de Sartiges, de sorte qu’ils pussent être amenés sous bonne garde toutes les fois qu’ils le demanderaient, pour la défense de l’ordre. » Les commissaires avaient bien soin d’ajouter : « Qu’ils ne voulaient faire aucun empêchement à l’archevêque de Sens et à son concile, mais seulement décharger leur conscience. »

« Le soir, les commissaires se réunirent à Sainte-Geneviève dans la chapelle de Saint-Éloi, et reçurent les chanoines qui venaient de la part de l’archevêque de Sens. L’archevêque répondait qu’il y avait deux ans que le procès avait été commencé contre les chevaliers ci-dessus nommés, comme membres particuliers de l’ordre ; qu’il voulait le terminer selon la forme du mandat apostolique ; que du reste il n’entendait aucunement troubler les commissaires en leur office. » Effroyable dérision !

« Les envoyés de l’archevêque de Sens s’étant retirés, on amena devant les commissaires Raynaud de Pruin, Chambonnet et Sartiges, lesquels annoncèrent qu’on avait séparé d’eux Pierre de