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LES TEMPLIERS.

Boulogne, sans qu’ils sussent pourquoi, ajoutant qu’ils étaient gens simples, sans expérience, d’ailleurs stupéfaits et troublés, en sorte qu’ils ne pouvaient rien ordonner ni dicter pour la défense de l’ordre, sans le conseil dudit Pierre. C’est pourquoi ils suppliaient les commissaires de le faire venir, de l’entendre, et de savoir comment et pourquoi il avait été retiré d’eux, et s’il voulait persister dans la défense de l’ordre ou l’abandonner. Les commissaires ordonnèrent au prévôt de Poitiers et à Jehan de Teinville que le lendemain au matin ils amenassent ledit frère en leur présence. »

Le lendemain, on ne voit pas que Pierre de Boulogne ait comparu ; mais une foule de templiers vinrent déclarer qu’ils abandonnaient la défense. Le samedi, la commission, délaissée encore par un de ses membres, s’ajourna au 3 novembre suivant.

À cette époque, les commissaires étaient moins nombreux encore. Ils se trouvaient réduits à trois. L’archevêque de Narbonne avait quitté Paris pour le service du roi. L’évêque de Bayeux était près du pape de la part du roi. L’archidiacre de Maguelone était malade. L’évêque de Limoges s’était mis en route pour venir, mais le roi lui avait fait dire qu’il fallait surseoir encore jusqu’au prochain parlement. Les membres présens firent pourtant demander à la porte de la salle si quelqu’un avait quelque chose à dire pour l’ordre du Temple. Personne ne se présenta.

Le 27 décembre, les commissaires reprirent les interrogatoires et redemandèrent les deux principaux défenseurs de l’ordre. Mais le premier de tous, Pierre de Boulogne, avait disparu. Son collègue, Raynaud de Pruin, ne pouvait plus répondre, disait-on, ayant été dégradé par l’archevêque de Sens. Vingt-six chevaliers, qui déjà avaient fait serment comme devant déposer, furent retenus par les gens du roi, et ne purent se présenter.

C’est une chose admirable qu’au milieu de ces violences, et dans un tel péril, il se soit trouvé un certain nombre de chevaliers pour soutenir l’innocence de l’ordre ; mais ce courage fut rare. La plupart étaient sous l’impression d’une profonde terreur[1].

  1. On peut en juger par la déposition de Jean de Pollencourt, le trente-septième déposant. Il déclare d’abord s’en tenir à ses premiers aveux. Les commissaires, le voyant tout pâle et tout effrayé, lui disent de ne songer qu’à dire la vérité, et à sauver son ame ; qu’il ne court aucun péril à dire la vérité devant eux, qu’ils ne révéleront pas ses paroles,