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REVUE. — CHRONIQUE.

par un philosophe qui ne fait pas des rêves aussi rians que ceux de Platon, tous les hommes qui pensent qu’on peut gouverner un peuple éclairé par d’autres voies que par celles de la contrainte et de la rudesse, sont impitoyablement rejetés parmi les ennemis du gouvernement, coupables volontaires ou non, mais toujours coupables, et indignes par conséquent. Le trône lui-même n’est pas à l’abri de leurs censures, quand la majesté de cette institution se refuse à servir leurs principes passionnés, ou, pour mieux dire, leurs passions déguisées en principes. Il y a quelque chose de l’inquisition, qui forçait un roi d’Espagne à s’ouvrir une veine et à donner quelques gouttes de son sang en expiation de son indulgence pour les hérétiques, dans cette audace qui monte brutalement les degrés du trône, et vient réprouver en termes impérieux les décisions de la couronne quand elles ne sont pas conformes aux prédilections et aux penchans doctrinaires. À qui persuadera-t-on que ces paroles empruntées à une feuille qui, dans son programme, se disait instituée pour défendre les intérêts monarchiques, se renferment dans les limites d’une opposition respectueuse pour le premier pouvoir de l’état ? Il faut remarquer que ces plaintes sont postérieures à la formation du nouveau ministère.

« On s’est efforcé de persuader à la couronne que les doctrinaires avaient été bons pour défendre la royauté dans les jours du péril, mais que ces temps de lutte étaient passés ; qu’en s’y livrant avec ardeur les doctrinaires avaient attiré sur eux la haine et l’impopularité ; qu’il fallait profiter de la victoire et leur laisser le poids des haines qu’ils avaient encourues. Ce calcul est immoral, impolitique et faux. » Or ce parti immoral, impolitique et faux, venait justement d’être embrassé par la volonté souveraine, quand les lignes qu’on vient de lire furent écrites ! Voilà les hommes qui accusent les autres de saper le pouvoir et de diminuer l’éclat de l’autorité qui doit émaner du trône.

La pensée des amis de M. Guizot s’explique plus clairement dans les lignes suivantes : « M. Guizot, disaient-ils le même jour, M. Guizot est, il faut le dire, l’homme le plus populaire de France, l’homme en qui tous les hommes monarchiques ont foi et espérance, l’homme vers lequel se tourneront tous les regards, le jour que la monarchie sera menacée ; et la couronne, qui l’a déjà appelé deux fois pour cette raison, s’expose bien fatalement à paralyser les croyances monarchiques qui restent encore pour la soutenir, dans les jours de dangers qui s’approchent, par l’éloignement de ses conseils. »

Voilà donc M. Guizot proclamé le seul homme capable de sauver la monarchie des dangers qui s’approchent, désigné comme un ministre dont la retraite met le trône en péril, comme un libérateur qui l’a sauvé deux fois d’une chute certaine, qu’on n’a pu écarter qu’en descendant à un calcul immoral, impolitique et faux ! Il en résulte que M. Guizot est